20 ans d’exploitation du pétrole : ”Beaucoup de choses ont changé”, Djerassem Le Bemadjiel, ministre des Hydrocarbures et de l’Energie
En 20 ans d’exploitation du pétrole, le ministre des Hydrocarbures et de l’Energie, Djerassem Le Bemadjiel, estime que des progrès importants ont été réalisés. Interview.
Après 20 ans d’exploitation du pétrole, quel bilan faites-vous ?
Pour faire le bilan d’une situation, il faut partir d’un référentiel. Où est-ce qu’on était avant l’ère pétrolière et où est-ce qu’on se trouve aujourd’hui ?
Entretemps, notre pays n’était pas fréquentable parce qu’il était en conflit. Les investisseurs et surtout les pétroliers ne se risquent pas dans de tel pays. Ce sont des gros investissements.
Il a fallu que la Banque mondiale participe à ce projet qui est une opportunité unique pour le pays de sortir de la pauvreté. On est un pays enclavé. On est à 1000 kilomètres de la côte la plus proche. Il fallait construire un pipeline. Ça coutait 3 milliards de dollars. Avant l’ère pétrolière, le Tchad, un pays déchiré par la guerre, a connu la famine. Le système éducatif était à terre.
Clairement, quand on voit d’où est-ce qu’on était par rapport à aujourd’hui, il y a eu un changement. Le pétrole a amené quand même pas mal de bien-être. Même si c’est en dessous de ce que le citoyen lambda attend.
J’ai souvent l’habitude de dire aux gens que le Tchad est qualitativement un pays pétrolier. Mais, quantitativement, est-ce qu’on l’est ? la production de l’Arabie saoudite, par exemple, est de plus de 10 millions de barils/jour par jour. Le Tchad a produit depuis 2023 entre 600 et 700 millions de barils. Prenez encore un pays comme le Nigeria, comparé à ces pays, on est très loin. Avec le peu qu’on a eu, beaucoup de choses ont changé.
Le pétrole a-t-il permis de trouver des solutions à la pauvreté ?
Les statistiques de l’Institut national de la statistique, des études économiques et démographiques (INSEED) sont là. Quand vous voyez le pourcentage des Tchadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté et si vous essayez d’évaluer ce qu’on peut dépenser pour les ramener au niveau où ils étaient, il faut 5 fois la quantité du pétrole qu’on a eu.
C’est clair que le pétrole n’a pas sorti tous les Tchadiens de la pauvreté, mais des indicateurs très simples sont là. Avant l’exploitation du pétrole, pour aller d’ici à Moundou, il vous faut 5 jours de voyage. Pour aller à Sarh, il vous faut parfois deux semaines. On a maintenant des routes. Avant, il n’y avait que l’université de N’Djaména. Les collèges, au les comptait au bout du doigt. Il y a pas mal de choses qui ont évolué.
Entretemps, il faut voir que la population augmente. On était à moins de 10 millions. Aujourd’hui, on est entre 17 et 18 millions.
L’économie du pays repose en grande partie sur les ressources pétrolières. Que faire pour sortir de cette dépendance ?
Aujourd’hui, le pétrole représente pratiquement 80% des ressources publiques. On est fortement dépendant de cette ressource naturelle. Il faut aller vers des secteurs durables. On est un pays d’élévage et d’agriculture. On a beaucoup d’espaces. Paradoxalement, on importe beaucoup de denrées alimentaires. Les ressources pétrolières peuvent permettre de développer ce secteur. Il y a pas mal d’actions qui vont dans ce sens.
Pour développer ce secteur primaire, il faut disponibiliser l’énergie. Il faut industrialiser le pays. Cela passe par la priorisation du secteur énergétique.
Pendant ces 20 ans d’exploitation, il faut dire que les priorités étaient l’accès à l’eau, la santé, l’éducation.
Des Tchadiens ne sont pas fiers de ce statut de pays pétrolier. Ils évoquent notamment le cas de la ville pétrolière Doba qui est mal structurée.
Le gouvernement est en train de mettre en marche ce qu’il fallait. Je parlais tout à l’heure des secteurs prioritaires. On combattait des maladies comme la rougeole, la polio.
Aujourd’hui, certaines de ces maladies sont éliminées. Maintenant, on croit fermement qu’en électrifiant toutes nos villes, on va développer l’économie et les petites activités.
Des projets allant dans ce sens…
Il y a une centrale solaire qui est en construction ici. La même, on l’aura dans 20 villes. A l’heure où je vous parle, la centrale d’Amtiman est presque finie. Quand on dit qu’on fait quelque chose, on ne nous croit pas trop, le mieux c’est de montrer directement.
Pourquoi on ne vous croit plus...
Peut-être parce qu’il y a eu des promesses non tenues. Nous allons agir pour que les gens constatent qu’il y a un changement qui se fait sur le terrain. Les réalisations parlent mieux que les discours. Il y a beaucoup de choses qui sont en train d’etre faites et le Tchad est sur la bonne voie.
Combien le Tchad a engrangé pendant ces 20 ans d’exploitation ?
Ça serait difficile de vous sortir un chiffre exact. Quand on dit que le Tchad produit 200 mille barils/jour, il faut savoir qu’une partie revient au Tchad et une autre pour les compagnies.
L’exploitation du pétrole de Doba était prévue pour 25 ans. Cela veut dire que l’exploitation s’arrêtera dans cinq ans ou d’autres découvertes peuvent la prolonger ?
Les 25 ans, c’étaient des estimations. Aujourd’hui, on est à moins de 15% du facteur de recouvrement c’est-à-dire on a sorti moins de 15% du pétrole qui était initialement en place. Sans me tromper, on va aller à 10, 15 ans de production. Plus le temps passe, plus il est difficile de sortir le pétrole qui reste. On peut pousser jusqu’à 20 ans parce que les bassins de Doba ont beaucoup de potentialités.