apprentissage de l’arabe au primaire, quelles solutions pour un enseignement efficace ?
L’Enseignement de l’Arabe Littéraire au Tchad : Un Urgent Besoin de Réforme
Introduction
« L’éducation est l’arme la plus puissante que vous pouvez utiliser pour changer le monde », a déclaré Nelson Mandela. Cette citation résonne particulièrement dans le contexte de l’enseignement de l’arabe littéraire au Tchad, un pays où l’épanouissement culturel et linguistique est menacé par une pédagogie inadéquate. Malgré les efforts pour instaurer le bilinguisme dans les écoles, il apparaît que l’apprentissage de l’arabe littéraire progresse à un rythme désespérément lent, souvent qualifié de « pas de caméléon », en raison d’un système éducatif défaillant. La question se pose alors : Quel est réellement le niveau de l’enseignement de l’arabe dans les écoles primaires tchadiennes ?
La Réalité Alarmante des Écoles
Une simple visite dans les établissements scolaires, qu’ils soient publics ou privés, nous confronte à des constats accablants. Beaucoup d’élèves, allant de la classe de CP1 à celle de CM2, ont de grandes difficultés à maîtriser les bases de la langue arabe. À titre d’exemple, la prononciation des lettres, la formation de mots simples, l’écriture ou le vocabulaire sont des compétences que de nombreux élèves peinent à acquérir. Pour illustrer cette réalité, un enseignant interviewé au CP1 a avoué que « la majorité des élèves ne parviennent même pas à écrire leur propre prénom en arabe ».
Les Causes de l’Échec
Ce constat alarmant trouve ses racines dans plusieurs facteurs. Tout d’abord, il y a un manque évident de dispositifs pédagogiques adéquats. L’absence d’enseignants qualifiés en arabe littéraire est un défi récurrent, que ce soit dans les écoles privées ou publiques. En effet, des enquêtes révèlent qu’environ 70% des écoles n’ont pas de maître arabophone compétent pour dispenser les cours. À cette difficulté s’ajoute une mise en œuvre inefficace du bilinguisme, qui, bien que formellement reconnu dans la Constitution tchadienne, peine à être appliqué correctement sur le terrain.
Les Lacunes Structurelles
Souvent, on entend des voix élever des critiques contre le français, considéré comme un obstacle à l’application du bilinguisme. Cependant, nos enquêtes mettent en lumière des lacunes structurelles bien plus préoccupantes. Dans certains établissements, un unique enseignant arabophone est chargé d’instruire des classes allant du CP1 au CM2. D’autres écoles ne comptent même pas trois enseignants pour couvrir plusieurs niveaux, laissant ainsi les élèves dans une situation d’apprentissage chaotique. Parfois, l’enseignant en arabe est tout simplement absent, ce qui annihile les efforts d’apprentissage.
Padjonre Alexandre Vainda, directeur d’une école primaire dans la commune du 3ème arrondissement de N’Djamena, souligne cette problématique. « L’apprentissage de l’arabe littéraire devrait favoriser l’ouverture d’esprit chez nos enfants, mais les défis sont grands. Un enseignant arabophone pour tous les niveaux est bien insuffisant », déclare-t-il. Ce constat ne fait qu’ajouter à l’urgence de réformer le système éducatif.
L’Importance d’une Approche Multidimensionnelle
Birwe Grégoire, un enseignant chevronné avec 12 ans d’expérience, propose une approche innovante pour remédier à cette situation catastrophique. Selon lui, « impliquer les enseignants francophones dans l’enseignement de l’arabe est une nécessité pour améliorer la compréhension des élèves ». Il fait référence au modèle rwandais, où chaque période de vacances scolaires voit les enseignants recyclés en matière de langue anglaise. Le Tchad pourrait tirer profit d’une démarche similaire en initiant des programmes de formation pour les enseignants francophones en arabe et vice versa. Cela permettra non seulement de diversifier les compétences des enseignants, mais également d’enrichir le contenu des cours.
Les Défis Culturels et Sociaux
Malgré une population urbaine qui s’exprime couramment en arabe tchadien dès la petite enfance, enseigner l’arabe littéraire reste un défi. Ce paradoxe souligne l’inefficacité du système d’apprentissage actuel. En effet, il ne suffit pas d’être exposé à une langue pour en maîtriser les subtilités. Cela pose de nombreuses questions sur la manière dont l’éducation est dirigée au Tchad.
Le manque de volonté politique et l’instrumentalisation du bilinguisme, souvent réduit à un simple slogan, constituent d’autres freins à l’amélioration de la situation. Pour changer cela, il est impératif d’agir de manière constructive plutôt que réactive.
Stratégies pour Améliorer l’Éducation en Arabe Littéraire
Pour remédier à cette situation désolante, plusieurs actions doivent être entreprises :
Recruter et Former des Enseignants Qualifiés : Le gouvernement et les institutions éducatives doivent s’assurer que les écoles disposent d’un nombre suffisant de maîtres arabophones compétents. Cela passe par l’investissement dans la formation continue des enseignants.
Promouvoir le Recyclage des Enseignants : Inspirons-nous des pays ayant réussi dans ce domaine, comme le Rwanda, qui tonifie ses enseignants chaque année. Des formations régulières pour les enseignants, tant francophones qu’arabophones, pourraient également poser les bases d’un apprentissage mutuel.
Renforcer le Contenu des Cours : Les programmes scolaires d’arabe littéraire doivent être révisés et adaptés afin de garantir un apprentissage progressif et précis dès les premières classes.
- Sensibiliser les Éducateurs : L’apprentissage de l’arabe littéraire ne doit pas être perçu comme une contrainte, mais plutôt comme une chance d’enrichir le patrimoine linguistique et culturel national. Pour cela, il faut également inclure des sessions d’information pour les parents, qui jouent un rôle clé dans le soutien à l’éducation de leurs enfants.
Conclusion
L’avenir de l’enseignement de l’arabe littéraire au Tchad ne doit pas se cantonner à un simple constat de défaillance, mais plutôt se transformer en un appel à l’action. Comme le souligne la nécessité d’un véritable changement éducatif, le bilinguisme ne doit pas être un simple concept, mais une réalité tangible au service des générations à venir. Ensemble, l’État tchadien et les établissements scolaires doivent unir leurs forces pour garantir à chaque élève un accès à un enseignement de qualité, en arabe comme en français.
En fin de compte, forger un avenir où les enfants reçoivent une éducation linguistique riche et accessible est non seulement une responsabilité individuelle, mais aussi un devoir collectif. Prendre ce chemin ensemble pourrait non seulement transformer le paysage éducatif tchadien, mais également éclairer la voie vers un avenir meilleur pour tous.