Comment la Zlecaf pourrait être le moteur de l’industrialisation et du développement de l’Afrique
La Zlecaf pourrait réduire la vulnérabilité de l’Afrique face aux chocs externes en stimulant le commerce intra-africain. Pour maximiser ces avantages, il est recommandé d’améliorer la stabilité, les infrastructures et la numérisation des économies, notamment des services douaniers.
La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) peut jouer un rôle catalyseur dans l’industrialisation et le développement du continent, en offrant aux investisseurs locaux et étrangers l’opportunité d’implanter des unités de transformation des matières premières en produits semi-finis ou finis pour servir un marché ouvert et interconnecté de 1,2 milliard de consommateurs, selon un rapport publié le 11 octobre par la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI).
Intitulé « Développement industriel de l’Afrique : comment la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) peut-elle y contribuer ? », le rapport rappelle que le continent demeure la région la moins industrialisée du monde plus de quarante ans après la première décennie du développement industriel de l’Afrique (DDIA I) lancée en 1980 par des organisations régionales avec l’appui de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).
La contribution des économies africaines à la valeur ajoutée manufacturière (VAM) à l’échelle mondiale se limite à 1,8 %. Cela veut dire que l’intégration des productions africaines à la chaîne de valeurs mondiale se passe au bas (au début) de cette chaîne ; là où il y a très peu de transformations industrielles. Actuellement, les performances économiques de l’Afrique sont essentiellement dues à l’essor prolongé de l’exploitation des matières premières, au développement rapide du secteur des services et à l’apport de l’aide au développement.
Ce faible niveau d’industrialisation explique d’ailleurs pourquoi la part de l’Afrique dans le commerce mondial n’a jamais pu dépasser le plafond de 3 %, bien que les économies africaines soient caractérisées par un degré relativement élevé d’ouverture commerciale, avec un taux des exportations et importations autour de 65 % du PIB en 2021.
De plus, le commerce intra-africain se situe à environ 16 % du total des échanges commerciaux du continent, un niveau très en deçà du commerce intra-régional en Europe (60%), en Amérique du Nord (40%) et dans les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-est (30 %).
Le faible niveau d’intégration régionale et l’incapacité des pays africains à opérer une transformation structurelle de leurs économies basée sur le développement industriel rendent le continent extrêmement vulnérable aux chocs internationaux tels que la crise sanitaire du Covid-19 et les tensions géopolitiques liées à la guerre en Ukraine.
Un marché de 1,2 milliard de consommateurs potentiels
Le rapport souligne dans ce cadre que la Zlecaf a le potentiel d’impulser l’industrialisation tant attendue du continent, de réduire sa très grande vulnérabilité vis-à-vis de l’extérieur et d’accélérer son développement économique et social à travers une augmentation substantielle de son commerce intracontinental.
Dans ses objectifs, la Zlecaf vise essentiellement à dynamiser le marché africain et à développer le commerce intra-africain en réduisant ou éliminant les barrières commerciales et en harmonisant les réglementations et les normes. Cela contribuera à attirer les investissements transfrontaliers et internationaux sur le continent, grâce à la croissance de la demande africaine.
En effet, un marché commun africain intégré et suffisamment ouvert devrait permettre aux pays du continent de convaincre plus facilement les investisseurs locaux et internationaux d’implanter et de développer des unités de transformation des matières premières en produits semi-finis ou finis, et de favoriser des synergies régionales d’industrialisation via des chaînes de valeurs régionales et continentales.
Une fois pleinement opérationnelle, la Zlecaf pourrait augmenter le commerce intra-africain de plus 34 % d’ici 2045 (comparé à la situation d’un scénario sans la Zlecaf). A terme, le continent représentera un marché très attractif de 1,2 milliard de consommateurs potentiels sur l’ensemble des 55 états membres de l’Union africaine, et un PIB cumulé de plus 2900 milliards de dollars.
Dans le contexte d’une forte intégration commerciale, une industrialisation suffisamment solide pour transformer les riches dotations naturelles des pays africains en richesses économiques est d’autant plus possible que l’Afrique possède de nombreux atouts pour réussir sa transformation manufacturière. Elle dispose d’un accès proche à de nombreuses matières premières, notamment minérales, mais aussi à des produits bruts agricoles, forestiers et piscicoles. Sa population active majoritairement jeune constitue l’une des réserves de main-d’œuvre les plus dynamiques au monde. On y assiste par ailleurs à la création d’un nouveau marché domestique attractif avec l’émergence des classes moyennes urbaines.
Pour tirer pleinement profit du potentiel énorme de la Zlecaf en tant que puissant catalyseur d’une transformation structurelle des économies africaines, le rapport recommande aux pays du continent de poursuivre leurs efforts pour améliorer la stabilité et la sécurité en vue d’offrir une prévisibilité et une garantie aux investisseurs, de lancer un appel à des partenariats stratégiques auprès des institutions financières et investisseurs afin de mobiliser des ressources nécessaires à l’amélioration des infrastructures, et de numériser les économies (notamment les systèmes douaniers) en vue de réduire les coûts des transactions commerciales.
Avec l’agence Ecofin