Dette africaine : la rencontre du FMI et la Banque mondiale accouche d’une souris
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) font la sourde oreille face à l’Afrique et sa demande de révision de sa dette
Les pays africains les plus pauvres et vulnérables demandent une annulation de leurs dettes lors de ce grand rendez-vous à Marrakech. Mais sans succès.
On note peu d’avancées concrètes pour les pays d’Afrique lors des réunions annuelles du FMI et de la BM, qui se tiennent depuis le 9 octobre 2023 Marrakech, au Maroc.
Ces réunions hautement symboliques du FMI et de la Banque mondiale sont les premières à être organisées sur le continent depuis 50 ans. Autant dire qu’il était nécessaire pour les organisateurs de rappeler que l’Afrique était bien au centre des préoccupations.
Dès ses premières prises de parole, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a répété l’importance qu’elle donnait à l’Afrique dans le développement de l’économie mondiale à l’avenir: «un XXIe siècle prospère nécessite une Afrique prospère».
Dès lors, il importait aux institutions internationales d’apporter des garanties au continent africain, de lui montrer qu’elles sont à l’écoute et n’oublient pas leurs préoccupations majeures : pauvreté et crise humanitaire liée au climat.
Une situation qui a poussé durant la semaine les pays en développement, regroupés au sein du G24 à demander «annulation de la dette des pays les plus vulnérables et les plus pauvres dont la majeure partie de la dette est due aux banques multilatérales de développement et au FMI», par la voix de son président, le ministère de l’Economie ivoirien Adama Coulibaly.
Pas d’actions concrètes
Les membres du FMI ont ainsi annoncé le 14 octobre 2023 créer un 25e siège au conseil d’admninistration, et en faire le 3e pour l’Afrique subsaharienne, une mesure qui deviendra effective dans un an, rejoignant la BM qui en a fait de même dès 2024.
Mais les actions concrètes manquent encore, et en particulier sur la question de l’endettement, alors que plus d’une vingtaine de pays sont confrontés ou tout près de basculer dans une crise de la dette. Dans certains pays de la région, le service de la dette représente plus de 40% du budget de l’Etat, un niveau intenable alors que les défis les plus élémentaires, comme assurer un accès à l’eau potable et l’énergie, nécessitent d’importants investissements.
«Si vous combinez ce que l’on dépense en salaires pour nos agents publics et le service de cette dette, cela représente plus de 90% des taxes collectées», expliquait ainsi jeudi le ministre des Finances zambien, Situmbeko Musokotwane, alors que son pays tente de finaliser un protocole d’accord avec ses créanciers bilatéraux pour restructurer sa dette.
Urgence à géographie variable
Plus encore, les Etats africains ont parfois le sentiment que les ressources se libèrent plus facilement dans certains cas, à l’image de l’Ukraine, qui a disposé de près de 20 milliards de dollars de la part de la BM depuis le début de l’invasion russe. Le FMI de son côté, a signé avec le gouvernement ukrainien fin mars un plan d’aide de 15,6 milliards de dollars, dans le cadre d’un plan plus large, impliquant notamment les pays du G7 et l’Union européenne (UE), pour un montant total de 115 milliards de dollars.
«Tout le monde admet qu’il est important d’aider financièrement l’Ukraine mais dans certains pays, il y a le sentiment que l’urgence est tout aussi importante chez eux sans qu’elle ne soit prise en compte de la même manière», a déclaré le représentant d’un pays africain, présent aux réunions.
En attendant, l’Afrique continue de connaître une situation économique difficile. Début octobre, la BM alertait sur le risque d’une «décennie perdue» pour le continent, alors que la croissance du PIB par habitant devrait être quasiment stable entre 2015 et 2025.
Le rapport régional pour l’Afrique subsaharienne du FMI, publié le 13 octobre dernier, pointe lui une croissance d’à peine plus de 3% (3,3%) en 2023, pour la deuxième année consécutive, avant de remonter à 4% en 2024, alors que l’inflation reste supérieure à 10% dans une quinzaine de pays africains.