Exploitation minière artisanale au Tchad : entre opportunités et dangers

« L’or vient avec sa beauté, mais également avec son lourd fardeau ». Cette maxime pourrait résumer l’état actuel de l’exploitation minière artisanale dans le Mayo-Kebbi Ouest, au Tchad, où, selon M. Layibé Tourdjoumane, président de l’organisation DHSF (Développement et Humanisme des Spécialistes de la Fraternité), les réalités et conséquences de cette activité sont alarmantes. Loin d’être une bénédiction, l’exploitation artisanale de l’or s’est transformée en un véritable désastre social et environnemental, mettant en péril non seulement la santé des travailleurs, mais également celle des familles et des écosystèmes locaux. Dans cet article, nous explorerons ces problématiques, en mettant en lumière des études récentes et des propositions concrètes pour tempérer les effets néfastes de l’exploitation minière.

Une activité minière artisanale chaotique

Dans la région du Mayo-Kebbi Ouest, l’exploitation minière est surtout artisanale, caractérisée par un manque d’encadrement et d’équipements adaptés. Les orpailleurs, souvent des personnes issues de milieux défavorisés, s’engagent dans cette activité sans protection ni assistance adéquate. Cela les rend particulièrement vulnérables aux risques sanitaires et aux accidents. L’absence de réglementation sérieuse accentue également la dégradante des conditions de vie et de travail des mineurs, leur santé et celle de leur environnement en souffrant gravement.

Les conséquences alarmantes de l’exploitation minière

DHSF a récemment réalisé une étude qui révèle les impacts négatifs de l’exploitation minière artisanale sur différents aspects de la vie des populations locales. Les résultats soulèvent des inquiétudes sur plusieurs points :

• Impact sur l’éducation : Les enfants sont de plus en plus nombreux à abandonner l’école pour travailler dans les mines. Cela limite leurs opportunités d’avenir et perpétue un cycle de pauvreté.
• Déséquilibre familial : Les femmes, souvent impliquées dans la recherche d’or, négligent leurs responsabilités domestiques. Cela entraîne des tensions au sein des foyers, affectant ainsi la stabilité familiale.
• Dérèglement économique local : L’afflux de personnes en quête d’or vers les sites miniers crée des déséquilibres économiques dans les villages, provoquant l’exode rural et accentuant les inégalités sociales.

Dangers écologiques posés par l’exploitation minière artisanale

Les effets néfastes de cette activité ne se limitent pas aux conséquences sociales ; ils engendrent également de graves dangers écologiques :

• Pollution par les substances toxiques : L’utilisation incontrôlée de mercure et de cyanure pour extraire l’or entraîne une contamination alarmante des sols et des cours d’eau, compromettant la santé des populations locales et menaçant les écosystèmes.
• Déforestation et perte de biodiversité : La déforestation induite par l’exploitation minière provoque l’érosion des sols, qui elle-même cause la perte de biodiversité, rendant la région encore plus vulnérable face aux défis du changement climatique.

Une gouvernance minière défaillante

DHSF souligne également le manque de contrôle gouvernemental sur l’exploitation minière, ce qui a des répercussions profondes :

• Collecte fiscale inefficace : La faiblesse de la collecte des taxes entraîne des pertes significatives pour l’État et les collectivités locales, limitant les ressources disponibles pour le développement local.
• Manque de transparence : Les revenus générés par l’exploitation minière ne sont pas gérés de manière transparente, ce qui soulève des préoccupations quant à leur utilisation par les autorités.
• Inapplication du Code minier de 2018 : Bien que ce code prévoie des règles claires, il souffre d’une application inégale, laissant les orpailleurs dans l’incertitude.
• Conflits fonciers : Les terres sont souvent réquisitionnées sans consultation des populations locales, alimentant les tensions sociales.

Des tragédies humaines à déplorer

La gravité de la situation est accentuée par des drames humains fréquents. Par exemple, le 4 janvier 2025, un jeune homme de 20 ans a perdu la vie dans un écroulement sur le site aurifère de Gamboké. Ces accidents mortels sont récurrents et témoignent d’un manque de sécurité pour les travailleurs, qui subissent également de nombreuses blessures graves à cause des conditions de travail précaires.

Vers une exploitation minière plus responsable

Face aux défis posés par l’exploitation minière artisanale, DHSF propose un ensemble de mesures visant à améliorer le cadre légal, la sécurité et l’impact environnemental de cette activité :

• Formalisation des exploitants : Enregistrer les orpailleurs au sein de coopératives locales d’ici novembre 2025 pour une meilleur encadrement.
• Sensibilisation à l’éducation : Lancer dix campagnes de sensibilisation d’ici fin 2025 pour inciter les familles à renvoyer leurs enfants à l’école plutôt qu’aux mines.
• Surveillance environnementale : Mettre en place un système strict de contrôle de l’utilisation du mercure et du cyanure d’ici juin 2025 afin de prévenir la pollution.
• Suivi et réglementation fiscale : Instaurer un registre de production et de taxation obligatoire sur chaque site artisanal avant la fin de l’année pour garantir des retombées fiscales locales.
• Augmentation des recettes minières : Élévation de la collecte des taxes de 5 % à 80 % d’ici 2025.
• Lutte contre l’abandon scolaire : Viser une réduction de 50 % du taux d’abandon dans les localités touchées d’ici décembre 2025.
• Sécurité des mineurs : Fournir 500 équipements de protection individuelle aux orpailleurs d’ici fin 2025 pour réduire les risques d’accidents.

Appel à l’action

Enfin, DHSF appelle les autorités tchadiennes à agir avec diligence pour régulariser l’exploitation minière artisanale, protéger les travailleurs et minimiser les impacts environnementaux désastreux de cette activité. Il est crucial d’engager toutes les parties prenantes, des décideurs aux communautés locales, afin de bâtir un modèle d’exploitation minière qui soit à la fois durable et bénéfique pour tous.

Ainsi, en œuvrant pour un cadre structuré, éthique et respectueux de l’environnement, nous pouvons envisager un avenir où la richesse des ressources naturelles ne rime pas avec la souffrance des hommes et la dégradation de la planète.