du pangolin à l’éléphant, le mythe de l’ivoire et des écailles

Le braconnage des éléphants et des pangolins met en péril l’existence de ces espèces animales sauvages protégées. Pourtant, la lutte contre le trafic des espèces sauvages protégées fait généralement partie des compétences des services en charge de la protection de la faune et de la flore sauvages et des efforts de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

Les réseaux du crime international organisé qui revendaient principalement l’ivoire des éléphants d’Afrique se tournent désormais vers le pangolin. D’énormes quantités sont acheminées vers l’Asie, malgré l’interdiction mondiale du commerce des huit espèces de pangolins et les législations nationales des pays d’Afrique de protection et de conservation des espèces sauvages menacées d’extinction.

La demande transnationale de produits dérivés du pangolin et de défenses d’éléphants est à l’origine de la poursuite du braconnage et du commerce illicite. La viande du pangolin est un mets recherché en Asie. On attribue à ses écailles des propriétés magiques et curatives qui alimentent la demande en médication traditionnelle en Afrique et en Asie. La porosité des frontières, la mauvaise application de la loi et la corruption du côté de l’offre favorisent cette criminalité croissante en Afrique.

Trois tonnes d’écailles ont été saisies à Abidjan en 2017. En 2022, ce sont plus de 600 kg d’écailles de pangolins qui ont été saisies en Côte d’Ivoire, représentant à peu près le massacre de 3000 pangolins. Ces saisies ont été possibles grâce à la collaboration entre la DPFE-MINEF, UCT et EAGLE Côte d’Ivoire. Selon le réseau EAGLE, la disparition du pangolin est liée à l’avidité de sa chaire et des écailles dont on attribuerait des vertus thérapeutiques.

De même, les agents de l’Office Central de Répression du Trafic Illicite de Drogue et du Blanchiment (OCRTIDB) appuyés par le Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF) en collaboration avec EAGLE-Togo ont procédé à l’interpellation de quatre présumés trafiquants le 10 mars 2023, au moment où ils s’apprêtaient à conclure la vente de sept grosses défenses d’éléphants. Une perquisition immédiate au lieu de stockage de ces produits illicites, a permis de saisir douze autres grosses défenses d’éléphants, dont cinq sculptées et polies, deux petites pointes d’ivoire, treize statuettes en ivoires, un collier en ivoire, deux peaux de félins dont le lion, deux mandibules qui semblent être celles d’être humain et une tête de phacochère.

 Aussi, plus de 20 tonnes d’écailles de pangolins ont été saisies dans la ville portuaire de Pointe-Noire en 2018 et neuf tonnes en 2020. Selon les responsables de Last Great Ape (LAGA), une organisation non gouvernementale qui plaide pour que la législation sur les espèces sauvages y soit appliquée, ces pangolins et leurs écailles étaient passés en contrebande depuis le port de Matadi en RDC. Parmi les trafiquants arrêtés au fil des ans figurent des ressortissants congolais, maliens, libanais et chinois.

À la source, les braconniers attrapent les pangolins dans leur habitat naturel. Puis, des groupes criminels et des clients venant de villes, leur achètent les animaux braconnés et leurs produits. Les cartels, composés de Camerounais et de Nigérians, exportent ensuite les pangolins vers l’Asie en passant par les grands pôles de transit, comme les ports de Douala, au Cameroun, et de Lagos, au Nigeria.

Du coup, le Cameroun, le Nigeria sont des pays importants pour le transit des écailles de pangolins et quelques pays de l’Afrique de l’ouest dont le Togo, sont eux des pays de transit d’ivoire. Parfois, les trafiquants soudoient les fonctionnaires aux frontières et aux douanes afin de garantir le passage illégal des produits de la faune sauvage et de se faire délivrer de fausses déclarations en douane.

Les principales destinations sont les marchés chinois, thaïlandais, malaisien et vietnamien. Une autre route est utilisée, au nord, traversant le Tchad et le Soudan, pour le trafic de pangolins et d’autres animaux en voie de disparition à destination des marchés des pays arabes.

Une chose est d’interdire le commerce international des défenses d’éléphants  ou des écailles de pangolins ou de détruire les saisies d’écailles ou d’ivoire, l’autre chose, est d’accorder une priorité à la protection des espèces sauvages protégées en voie d’extinction comme le pangolin et l’éléphant qui sont sur la liste rouge de la CITES. Et aussi, sensibiliser les populations, augmenter le financement des enquêtes sur la criminalité liée à la faune sauvage, améliorer la collaboration entre les forces de l’ordre dans les différents pays, sans oublier le renforcement des capacités sur la criminalité liée aux espèces sauvages afin de prévenir et d’enrayer ce type de crime.

Les partenaires internationaux du développement devraient également fournir des fonds et des formations afin de concevoir et mettre en œuvre des politiques de lutte contre le trafic d’espèces de la faune sauvage. Ces initiatives sur plusieurs fronts peuvent susciter l’engagement et la coopération nécessaires à l’échelle internationale pour mettre fin au trafic d’espèces sauvages. Cela pourrait aussi démystifier les propriétés médicinales que l’on attribue à ces animaux, ce qui en ferait baisser la demande.

Le mal est profond ! Selon l’UICN, le trafic de pangolins en Afrique a augmenté de 150 % entre 1970 et 2014. Et, entre 500 000 et 2,7 millions de pangolins sont capturés chaque année dans les forêts des pays de l’Afrique centrale. Conséquence : l’espèce reste menacée d’extinction.

L’éléphant, selon WWF,  30 000 éléphants étaient tués chaque année, soit une moyenne de 80 par jour. Du coup, les populations d’éléphants d’Afrique ont considérablement diminué de 80 %  ces dix dernières années.

Rappelons que le pangolin est intégralement protégé par le traité de la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées (Cites) depuis septembre 2016. Même si en Chine, les écailles sont toujours autorisées dans certains établissements hospitaliers, et pour fabriquer des médicaments brevetés. Pour protéger toutes les populations d’éléphants africains, elles ont été classées, dès 1989, à l’annexe I de la Convention, ce qui interdisait totalement leur commerce, vivants ou de leur ivoire. Mais cette protection a été affaiblie en 1997 et 2000, au Botswana, en Namibie, en Afrique du Sud et au Zimbabwe car les mesures de préservation semblaient fonctionner. Seulement, vingt ans plus tard, le trafic très lucratif de l’ivoire pousse toujours les pachydermes africains vers leur disparition.