
Echec de la prévention et nécessité d’une approche combinée contre Boko Haram (Dr. Ahmat Yacoub Dabio)
La menace persistante de Boko Haram : Entre désengagement et résilience
En octobre 2019, une enquête menée par le Centre d’Études et de Documentation sur la Prévention des Extrémismes (CEDPE) a révélé une statistique troublante : 7000 individus désengagés du groupe terroriste Boko Haram. Ces révélations, inscrites dans une vaste base de données de 16 000 pages, ont été transmises à la ministre de la Femme et de l’Action sociale dans le but de lancer un processus de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Rapatriement (DDRR). Ironiquement, malgré cette initiative prometteuse, l’État a choisi d’ignorer l’importance cruciale de cette démarche préventive, mettant ainsi en péril la sécurité d’une région déjà fragilisée.
La résurgence des attaques : Un cycle ininterrompu de violence
En 2025, les attaques meurtrières orchestrées par Boko Haram ont rappelé à tous l’érudition du problème. Dans la nuit fatidique du 6 au 7 mars, un convoi de pirogues, en transit entre Kangalam et Guité dans la province du Lac-Tchad, a été la cible d’une attaque tragique. Cette offensive a coûté la vie à sept personnes et blessé plusieurs autres, soulignant la brutalité persistante du groupe terroriste. À peine quelques semaines auparavant, à la fin du mois de février, le village de Karga, localisé dans la province de Hadjer-Lamis, avait également été attaqué, entraînant la mort de trois personnes et l’enlèvement de quatre autres. Ces incidents tragiques illustrent de manière poignante la menace omniprésente que représente Boko Haram, même face à des opérations militaires récentes déployées au Tchad, telles que l’« Opération Haskanite », conçue pour neutraliser cette menace.
Le désengagement : Une énigme peu explorée
Dr. Ahmat Yacoub Dabio, chercheur et expert sur le sujet, soulève des questions alarmantes concernant le sort des 6000 désengagés qui restent introuvables parmi les 7000 identifiés initialement. Quelle est leur situation actuelle ? Ont-ils véritablement trouvé refuge et sécurité ? Ces interrogations émergent dans un contexte où la province du Lac est toujours exposée à des menaces continues d’attaques, rappelant l’inefficacité de l’État à utiliser les données disponibles pour bâtir un environnement plus sécurisé et stable.
« Il ne reste actuellement que moins de 1000 désengagés dans la province du Lac, sur un total de 7000. Où sont passés les 6000 autres ? », interroge Dr. Dabio. Cette inquiétude fait écho aux préoccupations de nombreux observateurs et habitants de la région, qui subissent au quotidien les ramifications d’une violence ininterrompue.
Réévaluation des stratégies de lutte contre Boko Haram
Devant cette situation alarmante, la nécessité d’une stratégie de prévention robuste en tandem avec des actions militaires s’avère plus pressante que jamais. Une approche intégrée, incorporant des initiatives de DDRR, pourrait non seulement contribuer à diminuer la fréquence et l’intensité des attaques, mais également à ouvrir la voie vers une paix durable dans la région. Le gouvernement tchadien est de ce fait appelé à repenser en profondeur ses stratégies pour faire face à cette menace omniprésente. Il est impératif que des mesures proclament tant les symptômes que les causes profondes de l’insurrection de Boko Haram. Cela nécessite une collaboration étroite entre les acteurs gouvernementaux, les organisations internationales et les communautés locales pour créer un environnement propice à la réhabilitation des individus ayant quitté les rangs de la rébellion.
Des exemples de réussite : Les enseignements du passé
Pour tracer un chemin vers une sécurité renforcée et une stabilisation durable, il est pertinent d’examiner des exemples de réussites dans d’autres contextes. Des pays comme la Sierra Leone et le Libéria ont réussi à surmonter des crises similaires à travers des programmes de DDRR efficaces, visant à réinsérer les anciens combattants dans la société. Ces programmes combinent désarmement, démobilisation et réinsertion, avec un accent sur l’éducation et la création d’emplois, permettant aux anciens combattants de devenir des acteurs positifs au sein de leur communauté.
La réhabilitation des ex-combattants nécessite une approche holistique, intégrant des aspects psychologiques, sociaux et économiques pour garantir un retour réussi à la vie civile. En tirant des leçons de ces expériences passées et en adaptant ces stratégies à la réalité tchadienne, il est possible d’initier un processus similaire capable de transformer la dynamique de terrorisme en opportunité de paix.
Critique constructrice : Un plaidoyer pour l’engagement et la transparence
Il convient également de critiquer constructivement l’approche actuelle de l’État au regard de sa lancée face à Boko Haram. L’absence de suivi et d’application des recommandations issues des enquêtes de profiling – telles que celles menées par le CEDPE – démontre un manque apparent d’engagement à capitaliser sur les informations rassemblées. Par conséquent, cela crée un fossé de confiance entre le peuple et l’État, incitant les communautés à se sentir abandonnées et à chercher des solutions à travers d’autres voies, parfois problématiques.
La mise en place d’un cadre transparent et proactif pour impliquer les villages et les leaders communautaires dans les efforts de prévention pourrait servir de pont pour rassembler les différentes parties prenantes. En engendrant une synergie entre les autorités locales et les habitants des régions affectées, le Tchad pourrait non seulement combler le vide laissé par l’absence des 6000 désengagés, mais aussi promouvoir des solutions communautaires efficaces à la menace de Boko Haram.
Conclusion : Un appel à l’action pour un avenir meilleur
La situation actuelle en province du Lac-Tchad invite à une réflexion essentielle sur la nécessité d’une réponse collective face à la menace persistante de Boko Haram. Il ne s’agit pas seulement de mesures militaires, mais aussi d’une approche stratégique inclusive, réfléchie et adaptable qui intègre des programmes de DDRR pour réhabiliter ceux qui ont été piégés par ce cycle de violence. En redéfinissant les priorités en matière de sécurité et en réintégrant les désengagés dans le tissu social, le Tchad peut espérer construire un avenir où la paix et la stabilité prévalent.
Alors que le pays fait face à ce défi de taille, il est crucial que la communauté internationale, les ONG et les acteurs locaux s’unissent pour soutenir des initiatives porteuses d’une paix durable. Au final, ce n’est qu’en rassemblant nos forces et en collaborant de manière constructive que nous pourrons réellement changer le cours des événements et assurer un avenir serein aux générations futures. Car en fin de compte, comme le rappelle un adage : « Une société sûre nécessite le choix collectif du chemin de la paix. »