Élections américaines :Trump, vers un recentrage militaire sur le golfe de Guinée

Introduction

En janvier prochain, le nouveau président des États-Unis prendra les rênes de la Maison Blanche dans un contexte mondial en pleine mutation, mais sa vision de l’Afrique semble déjà bien figée. Ce continent, riche en ressources et en opportunités, apparaît encore comme un sujet secondaire aux yeux de l’administration à venir. Cette situation n’est pas sans conséquences : lors de son mandat antérieur entre 2016 et 2020, le président sortant avait considérablement modifié la présence militaire américaine en Afrique, entrainant un retrait des troupes de Somalie et engendrant une stratégie contre le djihadisme largement critiquée pour son manque de clarté. Les retombées de telles décisions semblent avoir été sous-estimées, malgré la complexité croissante des relations internationales sur ce continent.

Pour mieux comprendre les enjeux de la politique américaine en Afrique, il est essentiel d’examiner les événements clés, les dynamiques de pouvoir émergentes et le désir des nations africaines de ne plus être considérées comme de simples pions dans un jeu géopolitique où elles n’ont pas voix au chapitre.

Un Retrait Stratégique et Ses Répercussions

Au cours de son premier mandat, le président avait mis en œuvre une stratégie de retrait militaire, ordonnant le retrait des troupes américaines de Somalie, où elles participaient à la lutte contre le groupe djihadiste al-Shabaab. Cette décision, tout comme la désengagement militaire du Niger récemment, a suscité des critiques acerbes de la part de nombreux chefs d’État africains et experts. Par exemple, l’événement tragique de Tongo-Tongo en octobre 2017, où quatre soldats américains ont perdu la vie lors d’une embuscade, a révélé l’inefficacité et l’impréparation de la stratégie américaine en matière de sécurité dans la zone sahélo-saharienne. Ces répercussions ont ajouté une couche de défi à la coopération entre les États-Unis et les pays d’Afrique, rendant l’ensemble de la stratégie militaro-diplomatique peu lisible.

Les retours sur les échecs militaires et diplomatiques appellent à une réévaluation de la manière dont les États-Unis interagissent avec l’Afrique. Les nations africaines ne souhaitent plus être perçues comme des pions, mais comme des partenaires égaux et respectés. Cette réalité ne peut être ignorée, surtout dans un contexte où des puissances telles que la Chine et la Russie valorisent leurs relations avec les pays africains.

Un Renouveau des Relations Militaro-Diplomatiques

Les relations entre les États-Unis et l’Afrique ont historiquement été teintées par des motivations stratégiques, souvent pour contrecarrer l’influence d’autres grandes puissances. Cependant, la récente normalisation des relations que souhaitent instaurer certains États africains fait appel à une redéfinition des partenariats.

Le général Michael Langley, à la tête d’Africom, a exprimé récemment la nécessité de « réinitialiser et recalibrer l’aide militaire sur le continent africain ». Ce besoin de changement souligne l’impératif d’une collaboration basée sur l’égalité plutôt que sur des rapports de force traditionnels. Cela fait écho à une volonté de nombreux pays d’Afrique de trouver des solutions autonomes aux défis auxquels ils sont confrontés, notamment le terrorisme et l’extrémisme violent.

L’Émergence de Sentiments Anti-Américains

En parallèle, un sentiment anti-américain fait surface dans certaines régions, souvent alimenté par des narrations diffusées par des acteurs russes sur les réseaux sociaux. Washington ne pourra ignorer cette dynamique au risque de froisser davantage des relations déjà fragiles dans certaines régions clés, comme le golfe de Guinée. Ce dernier, avec son climat d’insécurité croissante dû aux actes de piraterie, est plus que jamais sous le feu des projecteurs.

Surveillance des Côtes du Golfe de Guinée

Après s’être retirées du Niger, les forces armées américaines ont repositionné leurs opérations en Côte d’Ivoire, un pays désigné comme le « leader régional en matière de sécurité ». Le gouvernement ivoirien a accepté l’implantation d’une base militaire américaine à Odienné, témoignant ainsi de la volonté de coopération en matière de sécurité. Parallèlement, les États-Unis ont établi des contacts avec le Bénin, qui a pour la première fois accueilli Africom depuis sa création en 2008.

Ces efforts visent à établir un partenariat d’assistance afin de lutter contre le terrorisme et de promouvoir le développement économique dans la région. En septembre dernier, Cotonou a ouvert ses portes à des forces spéciales américaines, renforçant ainsi les capacités des troupes béninoises face à l’extrémisme. En outre, des discussions sont en cours avec d’autres pays de la région, comme le Ghana et le Togo, concernant le déploiement de drones pour surveiller la côte ouest-africaine.

La Priorisation des Drones dans la Lutte Contre le Terrorisme

Les drones, utilisés pour surveiller les côtes, sont destinés à fournir une assistance tactique aux forces locale afin de combattre l’influence croissante des terroristes sahéliens dans le golfe de Guinée, devenu l’un de leurs nouveaux terrains d’opération. La lutte contre la piraterie qui sévit dans cette région, avec près de 300 incidents reportés par an, représente également un enjeu clé pour Africom, qui considère cette situation comme une « priorité stratégique ».

Perspectives Critiques

Néanmoins, cette approche soulève des questions quant à la durabilité de la stratégie américaine en Afrique. Une simple militarisation des relations ne répondra pas aux besoins profonds d’un continent qui aspire à plus d’autonomie. Les États-Unis doivent réévaluer leur rôle et envisager une coopération qui englobe des dimensions économiques, sociales et culturelles, en plus de la sécurité. Pour illustrer cela, l’approche collaborative, centrée sur des projets de développement, pourrait fédérer les énergies et construire de véritables partenariats basés sur la confiance réciproque.

Conclusion

La vision du 47ème président des États-Unis sur l’Afrique semble marquée par le désir de réaffirmer l’influence américaine face à des puissances concurrentes. Cependant, en ignorant les aspirations des Africains et leurs demandes d’égalité, Washington pourrait bien condamner ses efforts à l’échec. En somme, une véritable transformation des relations bilatérales nécessite une écoute, une réévaluation des intérêts partagés, et un engagement à bâtir des ponts plutôt que des barrières. La relation entre les États-Unis et l’Afrique peut être fertile et bénéfique, mais cela ne pourra se réaliser qu’à condition que les deux parties collaborent sur un pied d’égalité, favorisant une vision de partenariat fondée sur des valeurs de respect et de compréhension mutuels. Pour le lecteur, la question se pose désormais : quelle place pour l’Afrique dans le futur paysage géopolitique mondial, et comment les États-Unis s’ajusteront-ils à cette évolution essentielle ?