Fête de la musique : la précarité des artistes tchadiens, un mal qui perdure
A l’instar des autres pays du monde, les artistes tchadiens célèbrent la fête de la musique ce mercredi 21 juin 2023. À cet effet, deux promoteurs culturels et un artiste font un état des lieux de la musique au Tchad. Il s’agit de Paulin Preston, PDG du label Preston Concept, Ndoua Nguinambaye Manassé promoteur culturel et Bâton Magic, artiste chanteur.
Au fil des années les artistes affluent la scène musicale tchadienne. Les tendances et les rythmes se succèdent mais l’on a l’impression de faire du surplace. Les artistes tchadiens qui brillent à l’échelle internationale se comptent au bout des doigts. À cela, il faut ajouter la précarité de ceux qui évoluent localement qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts avec leurs musiques.
Pour Paulin Preston, PDG du label Preston Concept, l’une des causes est liée à la situation socio-économique et politique du pays. « La musique au Tchad est confrontée à des défis et des opportunités liés à la situation socio-économique et politique du pays. D’un côté, elle souffre du manque d’infrastructures appropriées, de soutien financier, de formation professionnelle et de protection des droits d’auteur. De l’autre côté, elle bénéficie de l’essor des nouvelles technologies, de la créativité des artistes et de passion de ses différents acteurs ».
Selon lui, l’industrie de la musique au Tchad est encore embryonnaire et confrontée à de nombreux défis. « La musique au Tchad est boostée par les initiatives d’opérateurs culturels tchadiens qui créent des festivals de musique et des plateformes de rencontres et d’échanges, des cadres de production et d’expression. Ils essayent de mettre en place des circuits de diffusion, de production et de promotion des œuvres musicales et sont souvent les producteurs, artistes et promoteurs de leurs propres œuvres ».
De son côté, Ndoua Manassé Nguinambaye, promoteur culturel et directeur artistique du Festival N’djam Vi et N’djam Hip Hop souligne que la musique tchadienne manque d’originalité. « La musique tchadienne elle est trop tendancielle et elle ne nous arrange pas. La vision était noble d’envoyer à la formation mais ceux qui étaient à la formation n’avaient pas su comment rapporter ce qui devrait aider la musique tchadienne, ils ont copié plutôt la musique de l’autre pour transplanter ici au pays et tout le monde se lance à faire ».
« La musique tchadienne va de tendance en tendance en oubliant ce qui doit refléter originalement le Tchad. Aujourd’hui y’a quelques-uns qui se démarquent mais ils sont très minoritaires et ça ne nous arrange pas », a-t-il ajouté.
Hormis cette question liée à l’originalité, Ndoua Manassé Nguinambaye évoque un autre problème, celui du manque du professionnalisme dans le travail « Il n’y a pas un travail approfondi qui est faite par les artistes. La plupart des artistes sont arrivés par suivisme et ils sont dans les copier-coller. Les artistes tchadiens ne travaillent pas assez. Ils ne travaillent que quand on les appelle pour une activité qui se pointe dans deux jours, c’est là qu’ils se grouillent pour travailler rapidement. Or si tu appelles un métier tu dois travailler normalement du matin au soir », critique-t-il.
Dans le même ordre d’idée, Bâton Magic, artiste chanteur, déplore la situation de la musique au Tchad. « La musique tchadienne n’évolue pas, les musiciens ont de bonnes compositions mais il n’y a pas de maison de disque, de grands studios d’enregistrement. Donc la musique ne peut pas évoluer sans ces cadres ».
A la question de savoir si l’artiste tchadien vit de son art, Bâton Magic répond en ces termes: « L’artiste va vivre de son art par quel moyen pendant que beaucoup de droits ne sont pas respectés. D’abord les droits d’auteurs sont très négligés. Imagine toute une année on te tend une somme de 40.000F tu vas enregistrer comment. On ne peut encore dire que l’art tchadien nourrit son homme ».