L’Afrique, continent le plus urbanisé d’ici à 2050, a besoin de plus d’investissements pour éviter la poussée des bidonvilles
La Révolution Urbaine en Afrique : Un Défi à Relever
À l’horizon 2048, la population urbaine du continent africain devrait tripler, transformant radicalement la façade des villes. Si rien n’est fait, une partie considérable de cette croissance pourrait se traduire par des bidonvilles. Pour prévenir ce scénario alarmant, les pays africains devront s’engager à investir jusqu’à 5,5 % de leur produit intérieur brut (PIB) dans le développement urbain. Ce constat inquiétant a été mis en lumière lors d’une table ronde intitulée « Mobilisation des financements pour le développement et la planification en milieu urbain », tenue à l’occasion de l’Africa Investment Forum, qui s’est déroulé du 4 au 6 décembre à Rabat, au Maroc.
Des Villes en Plein Essor : Un Phénomène Mal Contrôlé
Hastings Chikoko, directeur principal des villes à Big Win Philanthropy, a souligné que l’urbanisation galopante est un phénomène mal maîtrisé. « Malheureusement, les gens continueront de migrer vers les villes. Que devons-nous faire ? » s’interroge-t-il. La réponse, selon les experts, réside dans une planification urbaine proactive.
Eric Gumbo, directeur associé de G & A Advocates LLP, a ajouté que l’absence de planification adéquate conduit à des infrastructures de logement déficientes et à l’émergence de bidonvilles. « Beaucoup de nos pays n’ont pas de marge de manœuvre financière. Le ratio dette/PIB en Afrique est d’environ 65 %, ce qui limite considérablement nos interventions », a-t-il déclaré.
Le Manque de Financement : Une Réalité Partagée
Abimbola Akinajo, directrice générale de Lamata au Nigeria, a également témoigné de la pénurie de financements à laquelle sont confrontées les grandes villes africaines. « Nous sommes tous confrontés à ce même problème : le besoin criant de ressources financières. Les solutions résident dans la diversification des sources d’investissement. » Les experts préconisent d’attirer le secteur privé, d’impliquer des institutions de financement du développement, et d’explorer l’utilisation des fonds de pension, tous complétés par des ressources étatiques et municipales.
Comment Améliorer la Gouvernance Urbaine
Pour répondre aux défis financiers, les États et les villes doivent également adopter de meilleures pratiques de gouvernance urbaine. Cela inclut une planification stratégique, le renforcement des capacités pour concevoir des projets attirant les investisseurs, ainsi qu’une modernisation de la collecte des revenus à travers des mesures incitatives, telles que des péages autoroutiers.
Modèles de Réussite : Un Exemple Inspirant
Ednick Muswell, à la tête du département de l’eau et de l’assainissement à eThekwini, une métropole de quatre millions d’habitants avec un budget annuel de 3,9 milliards de dollars, a présenté un exemple positif. « Nous n’avons pas de dettes vis-à-vis d’ESKOM, notre compagnie d’électricité. Cela témoigne d’une discipline budgétaire solide, et nous jouissons d’une bonne notation qui attire la confiance des investisseurs », a-t-il affirmé. Des fonds de pension américains et d’autres banques sont prêts à investir dans cette municipalité, capable de lever des fonds sur le marché des capitaux grâce à sa bonne gestion financière.
Perception des Risques : Un Frein au Développement
Malgré de tels exemples positifs, la plupart des villes africaines sont freinées par la perception erronée des risques par les investisseurs. Hastings Chikoko déplore : « Emprunter en Afrique est coûteux, et si nous ne corrigeons pas cette perception, les villes manqueront de ressources essentielles pour se développer. »
Un Plan pour Attirer les Investissements
Pour Mohan Vivekanandan, directeur exécutif de la Banque de Développement de l’Afrique Australe (DBSA), il est primordial que les villes aient un plan stratégique bien défini pour attirer les investisseurs. « Les grands projets doivent être pilotés par les villes, et montrer au secteur privé qu’il y a des opportunités rentables à explorer. »
L’Appétit des Investisseurs
Abdouraman Diallo, directeur général du Fonds de Solidarité Africain, a souligné l’énorme besoin de financement pour les infrastructures urbaines en Afrique, notamment pour les routes, le logement, l’eau et les systèmes d’assainissement. Il appelle à un véritable soutien de la part des institutions de financement pour répondre à ces besoins urgents.
Les Marchés de Capitaux s’Adaptent
Nezha Hayat, présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux, a révélé que les marchés de capitaux s’adaptent désormais aux nouvelles exigences des villes. « Nous devons anticiper ces évolutions. Depuis 2016, nous avons mis en place un cadre réglementaire qui inclut des obligations vertes et municipales, permettant à des villes comme Agadir d’attirer des investissements dès 2020 », a-t-elle déclaré.
Un Besoin Urgent de Logements
Thierno Habib-Hann, président-directeur général de ShafDB, a rappelé que l’Afrique fait face à un déficit de 53 millions de logements et a un besoin urgent de 1 000 milliards de dollars pour combler ce vide. Son institution, opérationnelle dans 44 pays africains, travaille sur la chaîne de valeur du logement urbain en prônant des technologies abordables pour construire des maisons coûtant environ 10 000 dollars. Il a invité les investisseurs à se pencher sur le marché de l’habitat, évalué entre 700 à 800 milliards de dollars.
Conclusion : Une Opportunité à Ne Pas Manquer
En conclusion, la nécessité de financements pour soutenir l’urbanisation en Afrique est plus pressante que jamais. Les acteurs du secteur public et privé doivent collaborer pour transformer les défis en opportunités. Solomon Quaynor, vice-président du Groupe de la Banque africaine de développement, a rappelé que la Banque s’efforce de donner accès à des financements compétitifs pour les entités urbaines et qu’elle soutient activement le développement de projets en partenariat public-privé. Lors des discussions au Forum d’Investissement d’Afrique, six projets d’une valeur supérieure à quatre milliards de dollars ont suscité un intérêt considérable de la part des investisseurs. Il est impératif que des actions concrètes soient entreprises pour alimenter cette dynamique afin que les villes africaines puissent non seulement se développer, mais être également des modèles de durabilité et d’innovation.