L’Afrique subsaharienne francophone, moteur de la croissance africaine pour la dixième année consécutive en 2023
L’Essor Économique de l’Afrique Subsaharienne Francophone : Bilan et Perspectives
Imaginez un continent où, malgré les crises économiques et les conflits, certains pays continuent de prospérer et de croître à un rythme enviable. Selon les données de la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne francophone s’est démarquée en 2023 en enregistrant une croissance économique de 4,8 %, se classant ainsi comme la région la plus performante d’Afrique subsaharienne pour la dixième année consécutive et la onzième fois en douze ans. Ce constat ne pourrait pas être plus frappant : alors que le reste de l’Afrique subsaharienne stagnait à un maigre 2,3 %, ces 22 nations francophones continuaient d’avancer, défiant les défis économiques mondiaux.
Une Croissance Durable : Les Clés du Succès
Performances Économiques Remarquables
Ce dynamisme est particulièrement visible en zone CFA, qui englobe 13 des 22 pays francophones, et où la croissance est légèrement diminuée, passant de 4,6 % en 2022 à 4,1 % en 2023. En revanche, l’espace de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) continue de briller avec une croissance de 5,2 %. Cela témoigne non seulement de la résilience des économies de cette région, mais aussi de politiques efficaces de diversification économique et de gouvernance responsable.
La République Démocratique du Congo (RDC), avec une croissance impressionnante de 8,6 %, ainsi que la Côte d’Ivoire (6,5 %), le Cameroun (4,0 %) et le Sénégal (3,7 %), illustrent parfaitement cette réussite. En revanche, l’espace CEMAC, qui réunit des pays producteurs d’hydrocarbures, a souffert avec une croissance de seulement 2,2 %, indiquant ainsi l’importance d’une diversification économique pour soutenir la croissance.
Le Rôle des Réformes
Les récentes réformes économiques entreprises par cette région ont permis un meilleur climat des affaires, une amélioration des infrastructures, et un soutien accru à l’entrepreneuriat local. Par exemple, le Togo et la Côte d’Ivoire ont réalisé des avancées significatives dans les classements mondiaux sur la facilité de faire des affaires, augmentant leur attractivité pour les investisseurs étrangers. Cette ambition a un impact direct sur la création d’emplois et la réduction de la pauvreté.
Il est essentiel de souligner que, malgré la compétitivité des économies francophones, l’Afrique subsaharienne non francophone, représentée par des géants comme l’Afrique du Sud et le Nigeria, continue de rencontrer des défis structurels. En effet, ces pays affichent une croissance anémique, étouffée par des niveaux de corruption qui entravent les efforts de développement.
La Maturité Économique : Inflation et Endettement
Inflation Maîtrisée
En matière d’inflation, l’Afrique subsaharienne francophone se distingue encore une fois avec un taux de seulement 7,2 %, contre une inflation de 31,2 % dans le reste de la région. Cela montre une politique monétaire efficace et une gestion rigoureuse des ressources économiques. À l’inverse, les pays non francophones font face à des défis considérables en matière de maîtrise de l’inflation, exacerbés par des problèmes structurels et des politiques économiques souvent inefficaces.
Les données montrent également que la zone CFA a enregistré une hausse des prix de 4,6 %. L’inflation relativement stable dans cette région témoigne de la solidité de ses institutions monétaires. Cela devient particulièrement significatif dans un contexte mondial où la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires continue de peser sur les économies.
Une Dette Maîtrisée
Un autre aspect important est le niveau d’endettement : l’Afrique subsaharienne francophone maintient un taux d’endettement de 51,3 % du PIB. Il est impératif de noter que ce chiffre est bien en deçà des 67,1 % observés dans le reste de l’Afrique subsaharienne. La gestion prudente de la dette publique est essentielle pour la stabilité économique, surtout en période d’incertitude mondiale. Cependant, certains pays comme le Congo et Maurice montrent des signes d’endettement excessif, atteignant respectivement 100,8 % et 85,6 % du PIB.
Focus sur l’Afrique de l’Ouest Francophone
Une Zone de Forte Croissance
L’Afrique de l’Ouest francophone a affiché une croissance de 5,2 % en 2023, consolidant son statut de région dynamique. En effet, malgré des défis sécuritaires en cours dans des pays comme le Burkina Faso et le Niger, l’objectif de création d’une zone économique unifiée semble sur la bonne voie.
Parmi les réussites notables, la Côte d’Ivoire s’est affirmée comme un acteur clé, atteignant un PIB par habitant de 2 729 dollars, surpassant même des pays sud-américains comme le Nicaragua. Les pays de cette région ont fait preuve d’une résilience remarquable face aux crises, notamment grâce à des connexions commerciales qui se renforcent avec d’autres blocs économiques africains.
Vers une Meilleure Électrification
Néanmoins, le chemin demeure semé d’embûches. Des pays comme le Nigeria, malgré leurs immenses ressources naturelles, continuent d’être marqués par des problèmes d’électrification et d’accès à des services de base. Au Nigeria, la pauvreté reste un problème rampant, aggravé par une dépendance excessive aux hydrocarbures, qui représentent encore 90 % de ses exportations.
Afrique Centrale et Est : Un Aperçu Distinctif
Dynamiques Régionales en Afrique Centrale
En Afrique centrale francophone, la croissance a atteint 4,1 %. Cela a été en partie vérifié par des performances contrastées entre le Cameroun (4,0 %) et la Guinée équatoriale, dont le PIB a connu un déclin régulier depuis 2015. Le cas de la RDC mérite d’être souligné : avec un taux de croissance de 8,6 %, elle a mis en œuvre d’importantes réformes économiques et fiscales en vue de stimuler son développement.
L’Afrique de l’Est en Renouveau
L’Afrique de l’Est francophone affiche également des tendances positives, avec un taux de croissance de 5,2 %. Djibouti, en particulier, s’est démarqué avec une croissance de 6,7 %, renforçant sa position stratégique en tant que plaque tournante du commerce international. Ces pays ont profité de leur position géographique et de leur potentiel en infrastructures logistiques pour attirer les investissements étrangers, notamment en provenance de Chine.
Analyse Critique et Perspectives d’Avenir
Progrès mais Défauts Persistants
Bien que ces performances soient encourageantes, des problèmes subsistent. L’absence de diversification dans certaines économies fragilise la région face aux fluctuations du marché mondial. Il est vital que les pays francophones continuent d’innover, en créant des économies moins dépendantes des matières premières, à même de soutenir un développement durable à long terme.
Une Union Économique Nécessaire
La création, ou du moins la modernisation, de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et d’autres accords commerciaux régionaux sont des étapes cruciales. La facilitation des échanges commerciaux pourrait considérablement améliorer la situation économique de ces pays, alléger les tensions et renforcer les relations intra-régionales.
Conclusion : En Route vers l’Avenir
Au final, l’Afrique subsaharienne francophone ne représente pas seulement un modèle de croissance dans un monde incertain, mais elle est aussi le miroir des défis à relever. Les perspectives s’avèrent encourageantes, avec une croissance prévue à 4,9 % pour 2024. En renforçant les infrastructures, en améliorant les conditions économiques et en travaillant ensemble pour atténuer les tensions, l’Afrique francophone peut aborder l’avenir avec optimisme.
Ainsi, il est crucial d’encourager une dynamique de coopération entre États, de promouvoir des politiques économiques inclusives et de porter une attention particulière aux défis environnementaux. L’histoire de cette région est loin d’être terminée, et les opportunités d’épanouissement et de réussite collective sont à portée de main.
Ilyes Zouari, Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone)