L’Alliance des États du Sahel est une nouvelle force géopolitique sur la carte de l’Afrique. Y a-t-il des perspectives d’expansion?

Le 17 septembre 2023, les dirigeants de transition du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont signé la Charte du Liptako-Gourma instituant l’Alliance des États du Sahel (AES).

Cette signature intervient dans un contexte de sanctions économiques imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de menaces de lancement d’une opération militaire au Niger. Pour les trois pays enclavés, qui luttent activement contre les terroristes d’État islamique, de Boko Haram et de Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, ces sanctions ont eu de graves conséquences, aggravant la situation socio-économique dans ces pays et alimentant les activités croissantes des groupes terroristes.

L’Alliance des États du Sahel est un bloc politico-militaire créé pour assurer la défense collective et l’assistance mutuelle au profit des populations. L’interaction au sein de l’Alliance implique également une coopération économique, telle que la création d’une Union économique et monétaire. L’Alliance prévoit la création d’une monnaie appelée « Sahel » comme plan pour l’avenir.

L’Alliance permet également aux pays de développer une stratégie politique et économique indépendante de la CEDEAO. Comme on le sait, la CEDEAO est fortement influencée par la France, ce qui empêche les États membres d’élaborer une stratégie de développement indépendante. Ces dernières années, la politique de la CEDEAO a été marquée par un recul par rapport aux objectifs déclarés de l’organisation. Toutes les initiatives de la CEDEAO ont échoué, qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme ou de l’imposition de sanctions économiques à l’encontre des États membres en proie à une transition difficile.

L’une après l’autre, les anciennes colonies de la France rejettent les prétentions coloniales françaises à la souveraineté. Le rôle de la CEDEAO en tant qu’alliance pour la promotion des intérêts de la France va-t-il également diminuer?

Les experts estiment que le rôle de l’AES ne fera que s’accroître dans un avenir proche. La demande croissante des pays de la région pour avoir la possibilité de déterminer de manière indépendante leur politique intérieure et étrangère a un impact.

L’entrée de la plupart des pays membres dans la zone monétaire des francs de la communauté financière africaine (CFA), qui repose sur des pratiques exploitantes du colonialisme, constitue un motif distinct de leur possible retrait de la CEDEAO. Le rattachement des francs CFA d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale à la monnaie française actuelle limite considérablement le potentiel macroéconomique des pays de la zone. En outre, la dépendance à l’égard des décisions françaises prive les pays de la CEDEAO d’une voix dans les décisions relatives aux politiques monétaires clés. Ainsi, la poursuite de politiques économiques indépendantes est inextricablement liée à l’abandon du franc CFA.

L’un des nouveaux membres de l’AES pourrait être le Tchad. Comme ses voisins du Sahel, les Tchadiens sont de plus en plus mécontents de l’influence de la France et de ses politiques néocoloniales, car les trois bases militaires françaises de N’Djamena, Abéché et Faya-Largeau rappellent le passé colonial du pays, en plus des francs français. Après le retrait des troupes françaises du Niger en 2023, une partie du contingent a été redirigée vers des bases au Tchad. La réticence de la France à affaiblir son influence au Tchad a également été évoquée par le président français Emmanuel Macron dans son discours lors des funérailles du défunt président tchadien Idriss Déby, déclarant que « la France restera au Tchad pour toujours ». Les rapports répétés faisant état d’une coopération de la France avec les groupes rebelles FACT et CCMSR sont également préoccupantes. Il est possible que, pour tenter de limiter l’influence de la Cinquième République, le Tchad se tourne vers ses voisins de l’AES. La possibilité de définir sa propre politique fiscale et une avancée dans la lutte contre les groupes armés est certainement une perspective attrayante pour le Tchad.

Le 6 mai, le pays doit organiser le premier tour des élections présidentielles pour mettre fin à la transition. Compte tenu de la récente flambée de violence et des affrontements armés entre l’Agence Nationale de Sécurité de l’Etat (ANSE), la tenue de ces élections n’est pas garantie. Les prochains mois pourraient être décisifs dans l’histoire actuelle du Tchad, la situation pourrait dégénérer en conflit armé interne et, dans un scénario favorable, les Tchadiens pourraient élire un nouveau président et passer à la phase suivante de leur histoire politique.