L’an 1 du “Jeudi noir” : « J’appelle les autorités de ce pays à mettre de l’eau dans leur vin », Djelassem Felix, analyste politique
Il y a un an, le 20 octobre 2022, des manifestations organisées à N’Djaména et dans quelques villes du pays contre la prolongation de la transition de deux ans ont été réprimées dans le sang. Le gouvernement donne un bilan de 73 morts ; ses organisateurs parlent de plus de 300 morts. La tension est toujours palpable. Djelassem Felix, analyste politique, pense que le pouvoir doit faire des concessions et être sincère dans le processus de réconciliation.
Quel souvenir gardez-vous des manifestations du 20 octobre 2022 ?
C’était une journée fatidique. Dans toute l’histoire politique de notre pays, il n’y a jamais eu un carnage de telle envergure. J’ai vu des Tchadiens tombés sous les balles d’autres Tchadiens. C’est un souvenir de deuil, d’un recul de la démocratie mais surtout du primat de la violence sur le droit.
Quel est l’impact de ces évènements sur le processus de réconciliation nationale ?
Cela a créé un climat de méfiance. Aujourd’hui, bon nombre d’acteurs politiques, de regroupements politiques, des personnes qui censées être partie prenante de cette dynamique de réconciliation nationale sont du coup redevenues méfiantes du fait de ce que les évènements du 20 octobre ont créé dans le subconscient collectif.
Aujourd’hui, on assiste aux appels au boycott, une exclusivité d’un certain nombre d’acteurs et d’un forceps d’un certain nombre d’acteurs à l’exil politique. Cela allait présager un échec du processus de réconciliation et un probable retour à de tels cycles de violence qui ont émaillé l’histoire politique de notre pays.
Avec l’arrestation des militants des Transformateurs, le mandat d’arrêt contre leur leader qui a différé son retour au pays, comment voyez-vous la suite de la transition ?
C’est à déplorer parce que ça explique la manipulation sinon l’instrumentalisation de l’institution judiciaire. Quand vous regardez ce mandat d’arrêt international, il est signé il y a quelques mois. Mais pourquoi ce n’est que maintenant que ce mandat est brandi. Pourquoi ce mandat n’est pas aussi orienté vers d’autres acteurs qui sont eux-aussi impliqués dans les évènements du 20 octobre. C’est de l’arbitraire.
J’appelle les autorités de ce pays à mettre de l’eau dans leur vin, d’entendre raison et d’essayer de travailler dans le sens d’un véritable retour à la réconciliation. Si cela reste comme tel, cela veut dire qu’il y a une politique de deux poids, deux mesures et cela ne favorise pas la cohésion sociale qui est recherchée de façon unanime par tous les Tchadiens.
Il reste moins d’un an pour mettre en œuvre le processus de démobilisation, désarmement et réinsertion et organiser la présidentielle. Ce délai est-il tenable ?
Je pense que oui. Ce laps de temps permet d’organiser de façon sereine la présidentielle. Si nous travaillons méticuleusement dans ce sens, rien ne pourrait justifier un éventuel report de l’élection.
Il y a des craintes d’une nouvelle prolongation de la période de transition…
Quoiqu’on dise, les Tchadiens n’accepteront pas une fois de plus un report de cette transition. Au début, il était question de 18 mois renouvelables. Nous les avons consommés. Pour éviter d’autres heurts au niveau national, il est conseillé qu’il n’y a pas de glissement de date.