L’armée française quitte officiellement le Tchad

La Fin d’une Époque : Le Retrait des Forces Françaises du Tchad

Le 31 janvier 2025 restera gravé dans les mémoires comme un tournant décisif dans l’histoire récente du Tchad. À N’Djamena, lors d’une cérémonie empreinte de solennité, le Président Mahamat Idriss Déby Itno a proclamé la fin de la présence militaire française sur le sol tchadien, un acte qu’il a décrit comme un moment de consécration de la souveraineté totale du pays. « Ce jour marque ainsi le retrait définitif et complet des Forces françaises stationnées au Tchad », a souligné le chef de l’État. Une déclaration qui non seulement résonne comme un symbole de changement, mais qui annonce également le début d’une nouvelle ère pour le Tchad, où le pays renforce son autonomie tout en maintenant ses relations diplomatiques avec son ancien partenaire militaire.

Un Équilibre Délicat : Maintien des Relations avec la France

Bien que N’Djamena mette un terme à la coopération militaire, le Président déby a été très clair sur le fait que le Tchad ne rompt pas ses relations avec la France. « Nous ne rompons pas notre relation avec la France mais nous mettons un terme à la dimension militaire de cette coopération. Cette précision mérite d’être soulignée dans la clarté la plus absolue », a-t-il déclaré. D’autres voix ont également réitéré cette idée, notamment celle d’Abderaman Koulamallah, Président de la Commission chargée de la dénonciation de l’accord de défense entre le Tchad et la France. Il a affirmé que le retrait de l’armée française ne remet pas en cause les relations bilatérales sur d’autres fronts : « La France a compris que cette décision n’est pas une rupture, mais une transition marquant l’ouverture d’une nouvelle ère dans nos relations bilatérales. Le Tchad est prêt à marcher seul avec fierté et dignité sur le chemin de son destin », a-t-il conclu, un propos qui témoigne d’un sentiment de renouveau et d’indépendance.

Le Contexte Historique : Une Coopération Militaire Ancrée

La reconfiguration de la présence militaire française au Tchad ne surgit pas de nulle part. Elle s’inscrit dans un changement plus vaste de la dynamique entre les deux pays. Ce retrait s’inscrit aussi dans le respect d’une décision souveraine prise le 28 novembre précédent, marquée par le 66ème anniversaire de la proclamation de la République du Tchad. Ce jour-là, le Tchad a clairement exprimé sa volonté de rompre son partenariat sécuritaire avec la France, répondant à des besoins qui évoluent, notamment en matière de défense. La stratégie de retrait progressif des forces françaises, visible sur le terrain depuis plusieurs semaines, prend donc tout son sens dans ce nouveau cadre.

Le Processus de Retrait : Un Moment Historique

Le retrait des militaires français a été un processus solennel, marqué par la rétrocession des bases de Faya-Largeau et d’Abéché, les 26 novembre 2024 et 11 janvier 2025 respectivement. Le 30 janvier, une cérémonie intime au sein de la base d’Adji Kosseï de N’Djamena a symbolisé la dernière étape de ce processus. Le Général Abakar Abdelkerim Daoud, Chef d’État-major général des armées (CEMGA) du Tchad, et le Général Pascal Ianni, commandant le Commandement pour l’Afrique de l’armée française, ont procédé à la rétrocession. Cela a été marqué par le drapeau français abaissé, la remise des clés de la base et la signature des procès-verbaux de transfert. À 15h50, le dernier avion militaire français a quitté le sol tchadien, signifiant ainsi la fermeture de la dernière base française installée dans la capitale tchadienne depuis plusieurs décennies.

Un Désengagement Amical : Une Histoire Partagée

La transition se fait sans animosité, les deux Armées se quittant sur un ton amical après « de nombreuses années passées à combattre côte à côte ». Le Président Déby a également rappelé que « la coopération militaire avec la France a marqué pendant des décennies notre histoire. Nous reconnaissons qu’à certains moments, par le biais de cette coopération, la France a joué un rôle important ! ». Ce sont des décennies d’histoire commune où les deux pays ont collaboré dans des contextes sécuritaires souvent tumultueux.

Vers une Nouvelle Forme de Coopération

Si le départ des militaires français du Tchad marque la fin d’une présence permanente, des voix françaises soulignent que cela n’équivaut pas à un abandon total de la coopération. « Ce départ du Tchad marque la fin d’un modèle ancien », affirment les autorités militaires françaises, soulignant que le continent peut désormais évoluer vers d’autres types de collaboration, tels que la formation et l’entraînement militaire à travers des missions ponctuelles. En cas de nécessité, il reste même envisageable de fournir un soutien aux opérations communes, si une demande formelle est émise par les autorités tchadiennes.

Un Partenariat Historique : Des Opérations Marquantes

Le contexte de cette coopération remonte à l’accord de coopération militaire signé en 1976 (révisé en 2019) dans un cadre marqué par des menaces sécuritaires pesant sur l’intégrité et la stabilité du Tchad. L’opération Manta, qui a eu lieu entre 1983 et 1984, a été l’une des premières grandes interventions françaises en réponse à l’agression libyenne et aux troubles internes. Cette mission a permis une première stabilisation avant que la France n’engage l’opération Épervier (1986-2014) qui a vu la présence militaire française se pérenniser pour protéger le régime tchadien face aux menaces variées.

Par la suite, l’opération Serval, bien que centrée sur le Mali en 2013, a ouvert la voie à une collaboration militaire renforcée, où le Tchad s’est engagé aux côtés de la France pour lutter contre des groupes terroristes. Cette coopération a continué à évoluer avec l’opération Barkhane, active entre 2014 et 2022, axée précisément sur la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.

Vers un Avenir Incertain mais Prometteur

Alors que le Tchad se projette vers l’avenir dans un contexte sans forces militaires françaises, les défis sécuritaires demeurent. La région du Sahel est toujours marquée par des instabilités, et la France, bien qu’elle modifie son approche, reste un acteur clé dans la lutte contre le terrorisme. La question qui se pose maintenant est celle de la capacité du Tchad à défendre sa propre souveraineté tout en gérant des relations diplomatiques équilibrées avec des puissances étrangères.

Conclusion : Une Nouvelle Ère pour le Tchad

Le retrait des forces françaises pénètre une page significative dans l’histoire du Tchad, une nation qui se réinvente après plusieurs décennies de coopération militaire. Alors que les relations avec la France se transforment, le pays semble déterminé à marcher seul, tout en maintenant des ponts diplomatiques nécessaires. Ce moment est à la fois une fin et un commencement, une occasion pour le Tchad de forger de nouvelles alliances, d’affirmer son indépendance et d’aborder les défis futurs avec une nouvelle vision. En réponse à cette nouvelle dynamique, le Tchad s’inscrit désormais dans un parcours de souveraineté affirmée, se tenant prêt à relever les défis de son destin avec dignité et fierté.