le cas des hommes battus au centre d’une table ronde

Briser le Silence : Les Violences Conjugales Faitaux Aussi aux Hommes au Tchad

Il est souvent dit que la violence n’a pas de sexe. Pourtant, dans notre société, cela reste un concept controversé. Quand on évoque les violences domestiques, l’image qui surgit souvent est celle de femmes victimes d’hommes. Pourtant, un nombre croissant d’hommes subissent également des violences au sein de couples. C’est dans ce contexte délicat que se déroule une rencontre inédite au Tchad, propulsée par Me Danmbaye Djatto Viviane, en partenariat avec le Public Interest Law Center (PILC). Ce colloque vise à mettre en lumière un sujet encore trop souvent tabou : les violences conjugales envers les hommes. En s’appuyant sur une équipe de professionnels du droit et des sciences sociales, cette réunion a ouvert la voie à une discussion essentielle sur les réalités cachées de la violence domestique.

Le Panel : Des Éclairages Multiples

La table ronde a rassemblé des experts de divers horizons, chacun apportant son point de vue sur cette problématique complexe.

Le panel était composé de :

  • Baïssemma Thomas, docteur en sciences politiques et enseignant permanent à l’ENA du Tchad,
  • Me Samangassou Mahamat Bruno, notaire titulaire de charge,
  • Abdoulaye Bono Kono, 6ᵉ substitut du procureur général et vice-président du Syndicat des Magistrats du Tchad.

Un Tabou à Démanteler

Au cours de son discours, Me Delphine Kemneloum Djiraïbé, avocate principale du PILC, a salué le courage de Me Djatto pour avoir abordé un sujet négligé pendant trop longtemps. Avec des mots choisis, elle a reconnu que les violences conjugales touchent également les hommes, mais que, par fierté ou par peur du jugement, beaucoup hésitent à en parler. « C’est un poids que portent silencieusement de nombreux hommes », a-t-elle déclaré. Elle a appelé ces victimes à « rompre le silence » et à signaler les abus qu’ils subissent, un encouragement nécessaire dans un cadre aussi délicat.

Pour sa part, Me Danmbaye Djatto Viviane a mis en lumière une perception souvent biaisée des violences conjugales. Alors que la violence faite aux femmes est souvent reconnue et discutée dans le débat public, celle subie par les hommes reste un tabou, peu souvent évoqué. Elle a critiqué certaines approches féministes qui, tout en luttant contre les violences faites aux femmes, omettent de reconnaître que les hommes peuvent également être victimes : « Les femmes sont tout autant capables de violence que les hommes, et parfois même plus », a-t-elle déclaré avec conviction.

Équité dans la Réponse aux Violences

Me Djatto a fermement soutenu que toute forme de violence est inacceptable, peu importe la victime. « Ignorer les violences commises par des femmes n’élèvera pas le statut des femmes, cela ne fera qu’accroître le cycle de violence », a-t-elle ajouté. Une affirmation cruciale qui souligne le besoin de porter un regard équitable sur toutes les formes de violences, sans distinction de genre.

Des Causes Multiples et un Taux de Dénonciation Alarmant

Les panelistes ont convenu que la violence conjugale touchant les hommes, bien que moins fréquente que celle affectant les femmes, mérite une attention particulière. Plusieurs facteurs ont été identifiés comme catalyseurs de ces violences, notamment :

  • Les inégalités sociales,
  • Le manque d’éducation sur la question des violences de genre,
  • L’influence des médias et des réseaux sociaux,
  • Le regard dévalorisant porté sur les hommes par leur partenaire,
  • L’usage d’alcool et de drogues qui peut exacerber les tensions.

Une dynamique que le panel a jugée alarmante, renforcée par une tradition fortement ancrée au Tchad où le sujet demeure un terrain glissant. Les institutions religieuses, selon les intervenants, auraient un rôle crucial à jouer pour sensibiliser et œuvrer à la promotion d’une cohabitation pacifique entre les genres.

Le Silence des Hommes : Une Réalité Douloureuse

Le constat amer révélé lors des échanges est que de nombreux hommes, pour des raisons de honte, de peur du stigmate ou d’orgueil, choisissent de garder le silence sur les violences qu’ils subissent. Ce silence est dévastateur, tant pour les individus concernés que pour la société dans son ensemble, et contribue à maintenir un cycle de souffrance inutile.

Un participant a illustré cette dilemme en affirmant : « On ne bat pas un homme. C’est lui qui se laisse faire, espérant que sa femme changera. Mais si un homme prend vraiment position, il saura corriger la situation ». Une perspective révélatrice des mentalités qui règnent et des attentes sociétales face aux machismes traditionnels.

Il est essentiel de noter que les violences envers les hommes touchent également ceux vivant en union libre ou en concubinage, notant ainsi une ampleur de problème souvent éludée. Dans cette dynamique, différents types de violences se présentent :

  • Les violences physiques,
  • Les violences psychologiques et morales,
  • Les violences économiques et sociales,
  • Les violences politiques, etc.

Un Appel à l’Action : Adapter nos Perspectives

Cette table ronde a ouvert un débat crucial sur la réalité des violences conjugales au Tchad, un sujet qui nécessite une attention accrue tant des autorités que de la société civile. Si les abus envers les hommes sont moins visibles que ceux subis par les femmes, ils existent bel et bien et méritent d’être pris en sérieux. Tous les intervenants ont exprimé le besoin d’une prise de conscience collective qui encourage tous les acteurs de la société à s’engager dans cette lutte.

Conclusion : Oser Parler pour Oser Changer

En conclusion, il est impératif de ne plus considérer les violences conjugales comme un sujet réservé aux femmes. Le chemin vers l’égalité de traitement et de détection des violences repose sur notre capacité à en discuter, à créer des espaces sûrs où les hommes peuvent s’exprimer sans crainte de jugement. Changer les mentalités, élever la voix contre toutes les violences, peu importe qui est la victime, est un impératif moral de notre temps. Le dialogue amorcé par cette rencontre doit se poursuivre, encourager plus de sensibilisation et une action concrète pour garantir la sécurité de tous dans nos foyers. C’est un pas essentiel vers la construction d’une société plus juste et équitable.