Le CEDPE condamne l’attaque terroriste et appelle les autorités à accélérer le processus de DDRR

Le CEDPE et l’urgence de la Déradicalisation au Tchad : Un appel à l’action

Introduction

La tragédie d’une vie perdue sur le champ de bataille résonne bien au-delà des frontières du Tchad. Le 27 octobre 2024, des soldats tchadiens ont été arrachés à leurs familles lors d’une attaque brutale perpétrée par le groupe terroriste Boko Haram dans la région du Lac Tchad. Cet événement, tragique et déchirant, souligne une réalité accablante : la lutte contre l’extrémisme violent est loin d’être gagnée.

En tant que centre d’études dédié au développement et à la prévention de l’extrémisme, le Centre d’études pour le développement et la prévention de l’extrémisme (CEDPE) ne peut que déplorer cette perte et condamner fermement cette attaque. Plus important encore, il appelle à une prise de conscience urgente de la nécessité d’un réel processus de Déradicalisation, Démobilisation, Réhabilitation et Réinsertion (DDRR) pour éviter que de telles atrocités ne se reproduisent.

Le constat alarmant du CEDPE

Le CEDPE n’est pas étranger aux nombreux défis liés à la radicalisation qui sévit au Tchad. Dans un rapport explosif, le centre a remis en 2021 une base de données riche de 16 000 pages à Mme la ministre de la Femme et de l’action sociale, comprenant des analyses approfondies des causes de la radicalisation. En 2022, il a présenté un projet de DDRR aux autorités compétentes, mais jusqu’à présent, les réponses concrètes ont fait défaut. Fin 2023, des publications cruciales, contenant des recommandations sur la déradicalisation, ont été livrées aux plus hauts sommets de l’État, y compris au président et au premier ministre.

L’importance de la Déradicalisation

Le processus de DDRR proposé par le CEDPE n’est pas une simple recommandation ; il représente une réponse structurelle et humanitaire à la crise actuelle. Environ 7 000 personnes, dont 54 % de femmes, souhaitant se désengager de Boko Haram, peuvent bénéficier de ce processus. Ignorer leur réintégration, c’est non seulement priver ces individus de leur droit à un nouveau départ, mais c’est également compromettre la stabilité et la sécurité de toute la région.

Une attention insuffisante des autorités

Malgré ces appels répétés à l’action, le CEDPE déplore avec inquiétude que les autorités tchadiennes aient négligé les études et recommandations issues de ses recherches. La bureaucratie, les intérêts personnels et le manque d’engagement réel semblent avoir entravé la mise en œuvre des processus de DDRR efficaces. L’énergie, souvent gaspillées dans des séminaires et des protocoles peu constructifs, aurait dû être consacrée à des solutions tangibles pour la déradicalisation et la réinsertion socioprofessionnelle.

Les défis posés par le manque d’action

À l’heure actuelle, la porte d’entrée vers une meilleure compréhension des enjeux demeure fermée. La situation des 123 000 enfants désocialisés dans le Bassin du Lac Tchad, en attente de soins dans les secteurs de la santé et de l’éducation, est particulièrement alarmante. Ignorer ces réalités ne fait qu’alimenter le cycle de la violence et de la désespérance.

Une critique constructive de la situation

Les écueils d’une bureaucratie inefficace

Il est temps pour le CEDPE ainsi que pour tous ceux qui œuvrent en faveur de la paix de dénoncer avec vigueur les incapacités bureaucratiques et les priorités mal placées. La création de projets fictifs, comme l’étude de faisabilité d’un Centre de Transit et d’Orientation (CTO), financée par le Canada mais encore aux abonnés absents, n’apporte aucune réponse à la crise actuelle. Au lieu de cela, cette situation crée une fausse illusion d’action.

Bâtir des ponts entre les acteurs

Pour qu’un réel processus de DDRR prenne forme, il est crucial que toutes les parties prenantes, y compris les acteurs gouvernementaux, les ONG et la société civile, collaborent étroitement. Il est temps pour les autorités tchadiennes de dissoudre les comités interministériels qui n’ont pas réussi à produire des résultats tangibles et de former une commission d’experts et de praticiens capables de ramener confiance et espoir.

Mesures concrètes pour un avenir meilleur

En réponse à cette situation pressante, le CEDPE appelle les autorités tchadiennes à prendre des mesures imminentes pour établir un processus de DDRR efficace et durable. Voici quelques recommandations clés :

  1. Dissoudre les comités obsolètes : Les comités chargés de la mise en œuvre du DDRR, qui sont des obstacles majeurs, doivent être dissous afin de libérer un espace pour une réflexion et une action véritablement innovante.

  2. Créer une commission d’experts : Une nouvelle commission doit être rapidement formée, intégrant des experts de la société civile pour une approche multidimensionnelle.

  3. Orienter tous les efforts vers le DDRR : Cela implique de mobiliser toutes les ressources de l’État, des organisations non gouvernementales et des partenaires internationaux vers l’application des recommandations du CEDPE.

  4. Étudier le projet de DDRR proposé par le CEDPE : Cette étude doit être une priorité, car elle représente un cadre permettant de réinsérer socioprofessionnellement les membres renonçant à Boko Haram.

Conclusion : Un appel à l’action collective

La situation au Tchad ne doit pas être considérée comme une fatalité. Si le CEDPE lance ce cri d’alarme, c’est que la résilience d’une société face à l’extrémisme dépend d’actions bien ciblées et d’une volonté politique forte. Chaque citoyen, chaque acteur de la société civile, chaque autorité a un rôle à jouer dans cette lutte. Les soldats morts au combat, ainsi que les milliers de gens pris au piège des violences, méritent que nous agissions avec détermination.

Il est temps de transcender les mots pour passer à l’action. La stabilité et la paix ne se construisent pas sur des promesses vides, mais sur des engagements tangibles et une action collective résolue. Ensemble, nous avons le pouvoir de bâtir un avenir meilleur, loin de l’extrémisme, vers un Tchad uni dans ses diversités.


Dr. Ahmat Yacoub Dabio
Expert en gestion de conflits
Président du CEDPE