le colonel Bamkoui écrit sur « Multinationales et corruption en Afrique subsaharienne »
L’impact de la corruption sur l’État en Afrique subsaharienne : Une analyse profonde du Colonel Emile Joël Bamkoui
Introduction
Lors d’une cérémonie marquante qui s’est tenue le 27 décembre 2024, la nouvelle salle de réunion de la Division de la Communication du ministère de la Défense du Cameroun a été le théâtre d’un événement scientifique digne d’intérêt. Ce jour-là, Emile Joël Bamkoui, colonel de la gendarmerie et chef de la Division de la Sécurité militaire, a révélé son ouvrage intitulé « Multinationales et corruption en Afrique subsaharienne. Menace et tentative de capture de l’Etat ». Ce livre interpelle sur un phénomène trop souvent sous-estimé : la capture des États africains par des multinationales via la corruption. La question cruciale qui se pose alors est : comment ces pratiques peuvent-elles menacer la souveraineté et l’avenir des nations africaines ?
En ouvrant le débat sur ce sujet, Bamkoui tire un constat pessimiste mais réaliste : la corruption devient l’outil par lequel des entreprises internationales, soutenues par leurs États d’origine, tentent de dérober le pouvoir politique en Afrique subsaharienne. En nous plongeant dans l’analyse de cet ouvrage, nous allons explorer les implications de cette dynamique sur le développement économique et social de la région.
Un banquet scientifique riche en échanges
Des intervenants d’exception
La cérémonie de dédicace s’est déroulée dans une ambiance académique, réunissant des figures respectées du monde de la recherche et de la sécurité. Parmi les panelistes figuraient le Pr Owona Nguini Mathias Éric, préfacier du livre, le Dr Nkengue Yannick du Think Tank Stratos, en plus du capitaine de vaisseau Atonfack Guemo Cyrille qui a assuré la modération. Leur présence, tout comme celle des officiers généraux et des représentants du gouvernement, atteste de l’importance du sujet traité dans l’ouvrage.
Le contexte de l’ouvrage
L’ouvrage de Bamkoui part d’une hypothèse centrale : « la corruption est le vecteur par lequel les entreprises internationales capturent ou essaient de capturer, et de prendre le contrôle des États en Afrique subsaharienne avec l’onction de leurs pays d’origine ». Ce postulat, qui pourrait sembler trop cynique à première vue, s’avère en réalité être une analyse accablante de la réalité à laquelle se confrontent de nombreux pays africains aujourd’hui.
En effet, de nombreuses études montrent que la mal gouvernance et la corruption ont un impact direct sur le développement économique. Par exemple, selon un rapport de Transparency International, près de 75 % des pays d’Afrique subsaharienne luttent contre la corruption dans les secteurs public et privé, freinant ainsi leur croissance économique et leur développement social.
Méthodologie et approches
Une méthode interdisciplinaire
Pour mener à bien son analyse, Bamkoui adopte une approche interdisciplinaire, intégrant divers domaines telles que les relations internationales et les études stratégiques. Il fait appel à des courants théoriques bien établis, notamment la théorie de la sécuritisation développée par l’École de Copenhague. Cette approche nous aide à mieux comprendre comment des acteurs privés utilisent la violence structurelle et la corruption pour influencer les politiques des États.
Approches diachroniques et synchroniques
Bamkoui n’hésite pas à utiliser des approches diachroniques et synchroniques, ajoutant une dimension prospective à son analyse. Les approches diachroniques nous permettent de suivre l’évolution des pratiques de corruption sur le long terme, tandis que les approches synchroniques fournissent un instantané des relations de pouvoir actuelles.
Concepts novateurs
L’auteur enrichit le débat par des concepts innovants tels que « L’État en laisse », la « médiaculturation » et les « systèmes de menaces ». Ces nouveaux termes offrent un cadre analytique pour décortiquer les manières dont la corruption s’infiltre dans les institutions étatiques, conduisant ainsi à une érosion progressive de la souveraineté et de l’autorité des gouvernements africains.
Analyse des conséquences de la corruption
Un fléau dévastateur
La corruption a des conséquences dévastatrices sur le développement des pays en Afrique subsaharienne. Les ressources, qui pourraient être utilisées pour améliorer l’éducation, la santé et les infrastructures, sont siphonnées par des systèmes de corruption qui favorisent un petit groupe d’intérêts.
Pour illustrer cela, prenons le cas de certains pays comme le Nigeria. Selon le rapport « Economic and Financial Crimes Commission (EFCC) », le pays a perdu plus de 400 milliards de dollars à cause de la corruption depuis son indépendance. Ces fonds auraient pu financer des projets infrastructurels, des systèmes éducatifs et des soins de santé, contribuant ainsi à améliorer la qualité de vie.
Un cercle vicieux
La capture des États par les multinationales engendre un cercle vicieux : plus la corruption est répandue, plus la gouvernance devient faible et moins il y a de possibilités de développement économique. Ce qui, à son tour, alimente encore plus de corruption. Bamkoui souligne cet enchevêtrement de problèmes en énonçant que « l’absence de gouvernance efficace permet un environnement fertile pour la corruption ».
Critique constructive
Évaluation des stratégies anti-corruption
Malgré la richesse analytique du livre, il est essentiel de se poser la question : que peuvent faire concrètement les États africains pour contrer ce fléau ? Les stratégies actuelles peuvent sembler insuffisantes face à l’ampleur du problème. Souvent, les initiatives anti-corruption sont incomplètes ou mal appliquées.
Une gouvernance proactive
Au lieu de se contenter de réformes superficielles, les gouvernements devraient adopter une gouvernance proactive, axée sur la transparence et la responsabilité. Cela impliquerait la mise en place de mécanismes robustes de contrôle et d’audit, ainsi que la promotion d’une culture de l’intégrité au sein des institutions.
Sensibilisation et engagement de la société civile
La responsabilité ne repose pas uniquement sur les épaules des gouvernants. La société civile, en particulier les jeunes, doit être sensibilisée à l’importance de lutter contre la corruption. Des programmes éducatifs ciblés pourraient jouer un rôle crucial dans la formation d’une nouvelle génération de leaders et de décideurs.
Conclusion
L’ouvrage du Colonel Emile Joël Bamkoui représente une contribution scientifique significative à la compréhension des complexités liées à la corruption et à la dynamique des multinationales en Afrique subsaharienne. À travers ses analyses et ses réflexions, Bamkoui ouvre la voie à une discussion indispensable sur l’avenir du continent.
En proposant une gouvernance globale, initiative et prospective, l’auteur offre un aperçu des solutions nécessaires pour lutter contre la corruption, favoriser l’émergence d’industries florissantes et construire des mécanismes endogènes de financement.
Il est impératif que les États africains se dotent des outils et des stratégies nécessaires pour restaurer leur souveraineté et garantir un avenir radieux pour les générations futures. La cérémonie s’achève par la dédicace des ouvrages, mais le véritable défi se trouve au-delà des pages. La lutte contre la corruption doit être une priorité absolue pour chaque acteur, qu’il soit public ou privé, afin d’œuvrer ensemble à un avenir meilleur pour l’Afrique subsaharienne.