Le Tchad à la croisée des chemins pour un désenclavement durable

FIDIT 2025 : Le Tchad à la croisée des chemins pour un désenclavement durable

Introduction

« Le développement des infrastructures n’est pas une option, mais une nécessité pour notre pays ». Cette affirmation du ministre des Infrastructures, Amir Idriss Kourda, résonne comme un vrai cri d’alarme dans un pays où le manque d’infrastructures adéquates entrave non seulement le développement économique, mais également le bien-être de sa population. Le Tchad, un territoire vaste de plus de 1,2 million de kilomètres carrés, se trouve aujourd’hui devant un défi d’envergure : moderniser son réseau de transport pour favoriser l’intégration régionale et stimuler son économie. Alors que le pays lutte contre des contraintes financières et administratives qui freinent sa progression, la volonté politique d’attirer des investissements étrangers et de diversifier les moyens de transport semble plus que jamais urgente.

Un réseau routier encore largement insuffisant

L’état des lieux

Malgré les efforts déployés, le réseau routier du Tchad demeure largement insuffisant. Si des axes stratégiques relient certaines des villes les plus importantes, un grand nombre de routes secondaires restent dans un état de délabrement avancé, devenant quasiment impraticables en saison des pluies. Cette situation ne fait pas qu’entraver le mouvement des personnes ; elle pèse également sur les échanges commerciaux du pays, augmentant le coût du transport des marchandises et isolant les communautés rurales.

Le Programme National de Développement, mis en place par le gouvernement, prévoit la construction de corridors routiers essentiels pour désenclaver le pays, notamment ceux reliant le Tchad au Cameroun et au Soudan. Néanmoins, la mise en œuvre de ces projets se heurte à des défis persistants, notamment le manque de financement et des obstacles bureaucratiques.

La dépendance au transport terrestre

Plus de 80 % des flux commerciaux dans le pays reposent actuellement sur le transport terrestre, soulignant ainsi une dépendance alarmante vis-à-vis des infrastructures routières. Le développement d’un réseau ferroviaire reliant le Tchad au Cameroun est souvent évoqué, mais reste, à ce jour, à l’état d’étude. De plus, le transport aérien, bien qu’il puisse jouer un rôle stratégique dans le désenclavement de certaines régions, est largement limité par votre faible réseau de liaisons intérieures et le coût prohibitif des billets.

Des infrastructures au service de la croissance économique inclusive des territoires

Efforts de la Banque Islamique de Développement

Depuis 2006, la Banque Islamique de Développement (BID) joue un rôle clé dans la modernisation des infrastructures routières au Tchad. Grâce à un financement significatif, la BID a contribué à la construction de plus de 380 kilomètres de routes, facilitant ainsi l’accès aux marchés et stimulant la circulation des biens et des personnes dans des régions auparavant isolées. Les routes reliant Massaguet à Massakory et de Bokoro à Arboutchatak en sont de parfaits exemples, ayant dynamisé l’économie locale en améliorant la connectivité.

Cependant, l’enclavement n’est pas uniquement un frein économique ; il pose également un défi à la sécurité alimentaire du pays. Des zones agricoles, comme Laï, qui est souvent surnommée la "capitale de l’or blanc" pour sa production de riz, connaissent des difficultés d’accès qui compromettent leur potentiel économique. Pendant la saison des pluies, ces régions deviennent presque inaccessibles, ce qui empêche un approvisionnement adéquat en riz sur le marché local, poussant ainsi le Tchad à dépendre d’importations coûteuses.

Un projet majeur attendu : Connecter l’Égypte, la Libye et le Tchad

Le protocole d’accord

Dans ce contexte, un projet ambitieux et essentiel a vu le jour : la mise en place d’une route terrestre qui reliera le Tchad à ses voisins, à savoir l’Égypte et la Libye. Ce projet a été évoqué par un protocole d’accord signé le 11 décembre 2024, marquant une étape significative vers une intégration économique régionale. En revenant sur une ambition longtemps espérée, cette initiative vise à sécuriser les routes transfrontalières et à ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour les pays impliqués.

La création de ce corridor est d’une importance capitale pour le Tchad, qui désire élargir ses opportunités commerciales et diversifier ses partenaires économiques. En dépendant actuellement des ports de Douala au Cameroun et de Port-Soudan, le pays aspire à élargir son réseau de distribution à des partenaires plus variés, renforçant ainsi sa résilience économique.

Un enjeu sécuritaire

Au-delà des considérations économiques, ce projet revêt également un aspect sécuritaire crucial. En facilitant une coopération étroite entre l’Égypte, la Libye et le Tchad pour lutter contre la contrebande et les flux migratoires illicites, ce corridor pourrait offrir une plus grande stabilité à la région. La coordination des transports et la sécurisation des frontières contribueront à une circulation fluide des marchandises et des personnes, tout en minimisant les risques associés aux trafics illicites.

Un forum ambitieux pour booster les infrastructures au Tchad

L’organisation du Forum International de Développement des Infrastructures du Tchad

Pour catalyser la transformation infrastructurelle, le gouvernement tchadien met également en œuvre le Forum International de Développement des Infrastructures du Tchad (FIDIT). Prévu du 18 au 20 février 2025 à N’Djaména, cet événement vise à rassembler investisseurs, institutions financières et entreprises spécialisées afin de stimuler des partenariats et attirer des financements pour des projets d’envergure. Parmi les sujets abordés, on retrouve la modernisation des routes, la création de corridors transnationaux et le développement du secteur ferroviaire.

Cependant, N’Djaména, la capitale, fait face à un défi majeur avec une congestion routière omnipresente, affectant la qualité de vie des habitants. Le ministre de la Sécurité Publique a d’ailleurs reconnu la nécessité urgente d’adopter des mesures concrètes pour décongestionner les axes routiers de la ville.

Vers des solutions durables

Pour que ces initiatives produisent des résultats tangibles, il est impératif de repenser la modernisation du réseau routier. Cela inclut la réhabilitation des infrastructures existantes et la construction de nouvelles routes pour relier les zones isolées. De plus, une diversification des modes de transport, incluant le rail et les voies navigables, pourrait réduire la dépendance au transport routier.

Le secteur privé : Un acteur clé dans le développement des infrastructures

Renforcement des partenariats public-privé

L’implication du secteur privé est cruciale pour le futur des infrastructures au Tchad. Attirer les investisseurs nécessite la mise en place de mécanismes incitatifs et le renforcement des cadres réglementaires pour garantir la viabilité des projets. Les partenariats public-privé représentent une opportunité pour réduire la pression sur le budget national, tout en ouvrant de nouvelles voies de collaboration bénéfique pour toutes les parties prenantes.

Conclusion

Le développement des infrastructures de transport au Tchad est synonyme de défis, mais également d’opportunités inestimables. Des projets ambitieux, comme le couloir reliant l’Égypte, la Libye et le Tchad, ainsi que le FIDIT, témoignent d’une volonté politique de sortir du cycle de l’enclavement. Si le gouvernement et le secteur privé s’unissent de manière stratégique pour relever ces défis, le Tchad pourrait entamer un véritable tournant vers une croissance économique durable et inclusive. C’est le moment d’agir, car la réussite de ces initiatives déterminera non seulement l’avenir économique du Tchad, mais aussi le bien-être de sa population. Les investissements dans les infrastructures sont en effet le fondement d’un avenir plus radieux pour tous.