Les « Nas al-mé », ces porteurs d’eau qui alimentent une ville assoiffée

En pleine chaleur du jour, dans les rues animées de N’Djamena, un homme, le dos courbé sous le poids d’un bidon d’eau de 20 litres, avance d’un pas décidé. Cette scène, bien connue des habitants de la capitale tchadienne, illustre une réalité omniprésente : la quête d’eau. Connue localement sous le terme « Nas al-mé », la livraison d’eau à domicile n’est pas seulement un service pratique ; elle représente un pilier essentiel de la vie urbaine. Selon des statistiques récentes, plus de 60% des résidents de N’Djamena dépendent de ce service pour satisfaire leurs besoins quotidiens en eau. Ce métier, bien que exigeant sur le plan physique, offre à de nombreux travailleurs les moyens de subvenir aux besoins de leur famille, révélant ainsi les défis et les opportunités qui jalonnent leur quotidien.

Un Métier Pénible mais Rentable

Les livreurs d’eau, véritables héros du quotidien, se déplacent avec des bidons de 20 litres, souvent aidés par des plateaux roulants artisanaux. Ce métier, exigeant physiquement, les contraint à charger et décharger des dizaines de bidons chaque jour. Chaque livraison est une nouvelle épreuve qui teste leur force et leur détermination. Pourtant, malgré la dureté du travail, la livraison d’eau à domicile reste une activité lucrative, grâce à une demande constante pour ce service. Les livreurs prennent souvent la direction de quartiers où l’accès à l’eau potable est rare, particulièrement dans des zones où les fontaines publiques sont souvent en panne.

Une Demande Croissante

Dans plusieurs quartiers de N’Djamena, la demande pour la livraison d’eau est en forte progression. Avec des fontaines municipales souvent hors service, un nombre croissant de familles n’a pas d’autres alternatives que de se tourner vers ces livres d’eau pour répondre à leurs besoins essentiels. Même lorsque les prix peuvent sembler élevés pour de nombreuses familles en difficulté, ces options représentent souvent la solution la plus pratique pour les tâches quotidiennes comme la cuisine, le ménage ou même l’hygiène personnelle.

Différenciation des Prix

Les tarifs appliqués par les livreurs varient considérablement d’un quartier à l’autre, prenant en compte la distance parcourue. Par exemple, pour trois bidons de 20 litres à Ridina, le coût s’élève à 100 FCFA, tandis qu’à Dembé 2, un seul bidon peut être obtenu pour 50 FCFA. Ces disparités de prix sont justifiées par les livreurs, qui tiennent compte des efforts supplémentaires requis pour atteindre des zones moins accessibles. Cela souligne la complexité derrière la fixation des prix et l’impact des infrastructures sur leurs activités.

Témoignages de Livreurs

Leurs voix et leurs histoires révèlent la réalité de ce métier. Des travailleurs comme Hassan, qui, après plus d’une décennie dans cette profession, se décrit lui-même sous le nom de « Ab-diguine », affirment : « C’est trop pénible, mais ce métier me permet de nourrir ma famille. ». Bien qu’il soit souvent réticent à partager ses revenus quotidiens, Hassan exprime la conscience aiguë de la précarité de sa situation professionnelle. L’absence de sources d’approvisionnement en eau fiables rend ce travail encore plus difficile, mais aussi plus vital.

Ainsi, la livraison d’eau à domicile représente bien plus qu’un moyen de subsistance pour plusieurs familles à N’Djamena. C’est un véritable socle de la vie urbaine, répondant à des besoins fondamentaux tout en offrant aux travailleurs une opportunité de revenu, malgré les multiples défis physiques et logistiques qu’ils doivent relever chaque jour.

Les Défis et Perspectives d’Avenir

Si la profession de livreur d’eau à domicile est vitale, elle n’est pas exempte de défis. Les problèmes de financement et d’accès à des équipements de transport adéquats représentent des obstacles majeurs pour ces travailleurs. De plus, l’absence de stratégies claires de gestion de l’eau au niveau municipal exacerbe la situation, laissant de nombreuses familles dans une précarité alarmante. Pour améliorer ces conditions, on pourrait envisager des solutions innovantes, telles que la mise en place de coopératives de livreurs d’eau, qui pourraient bénéficier d’un soutien technique et financier.

Conclusion

La livraison d’eau à domicile à N’Djamena n’est pas simplement une transaction commerciale ; elle est intimement liée à la survie de nombreuses familles. Il est crucial que les autorités locales, les organisations non gouvernementales et la communauté s’engagent ensemble pour renforcer ce service vital en améliorant l’accès à l’eau potable et en soutenant ces travailleurs dévoués. Un avenir où l’eau est accessible à tous est non seulement désirable, mais essentiel. Chaque goutte compte, et derrière chaque bidon se cache une histoire de résilience et d’espoir.