“Nous avons fait un choix, celui d’aider la transition même s’il y a d’insuffisances liées au manque d’espace civique et politique”, Makaïla Nguebla
Près de deux ans après son retour au pays, l’ex activiste, devenu Conseiller en charge des droits de l’Homme du Président de transition, Makaïla Nguebla, se prononce sur la situation des ex-activistes, les perspectives et bilan de la transition.
Vous êtes rentrés au pays en faveur de la politique de la main tendue du Président de transition, Mahamat Idriss Déby Itno, après le décès du Président Déby. Quel bilan l’on peut retenir près de deux ans après votre retour ?
Nous avons répondu à l’appel du Président de transition lancé à la classe politique, à la société civile et autres parce qu’au niveau de la diaspora, nous constitutions un pilier de la lutte pour la démocratie au Tchad. En répondant à cet appel, nous avons choisi la voie de la paix, de la stabilité et surtout la voix du développement. Et notre retour au Tchad a permis à beaucoup d’opposants en exil à nous rejoindre et c’est ce qui a abouti à l’accord de paix de Doha entre les politico-militaires et le pouvoir en place pour à la fin tenir un Dialogue National Inclusif et Souverain. Et ce dialogue a été salué par un certain nombre de partenaires même s’il n’a pas résolu tout le problème du Tchad.
En ce qui nous concerne, en tant qu’activistes, journalistes et blogueurs, nous pensons que notre apport a été important et le bilan pour nous est positif. D’aucuns nous critiquent pour avoir rejoint la transition, une transition qui n’a pas fait l’unanimité par un certain nombre d’observateurs nationaux et internationaux. Mais nous avons fait un choix, celui d’aider la transition même s’il y a d’insuffisances liées au manque d’espace civique et politique. Car selon la Communauté internationale, il faut que les autorités de transition élargissent l’espace civique et politique et cela veut dire qu’il faut plus de liberté à tous les citoyens et cela, sans inquiétude. Ce sont là les défis majeurs à conquérir en tant qu’ex-activiste et actuel conseiller aux droits de l’homme du Président de transition. Nous souhaitons vraiment que l’appel de la main tendue du Président soit suivi d’effet afin que les exilés qui sont encore restés hésitants puissent rentrer rejoindre le processus de paix pour consolider les acquis du DNIS. Bref, le bilan est certes positif, mais il y a des insuffisances que nous implorons les autorités de transition à être sensibles à cela.
En votre qualité d’ex-activiste, journaliste-blogueur, quelles sont les perspectives qui se tiennent face à vous depuis votre retour au bercail et si jamais la transition sera prolongée ?
D’abord, la question de la prolongation de la transition qui est évoquée un peu partout est liée à certaines contingences. Nous avons le référendum devant nous où le peuple tchadien est appelé à s’exprimer, le conflit soudanais qui fait des milliers de déplacés et qui risque de déborder le Tchad peuvent être des facteurs déclencheurs de la prolongation de la transition.
En terme de perspective, aujourd’hui, personnellement, j’assume mon rôle de conseiller aux droits de l’homme du Président et je souhaite vraiment que ce rôle soit bénéfique pour la transition et pour le Tchad, vu l’expérience que j’ai cumulée à l’étranger. Et j’aimerais vraiment que le peuple tchadien qui aspire à la paix, à la stabilité et au développement, que son vœu soit exaucé et cela de façon flexible de la part des tenants du pouvoir. Sans cela, nous allons nous écarter de la paix et mettre notre pays en péril, le seul pays stable dans la sous-région sahélienne.
Cela dit, en terme de perspective, nous allons apporter notre contribution jusqu’à ce que cette transition, même si elle doit se prolonger, permette au retour rapide à l’ordre constitutionnel pour notre pays qui a trop souffert depuis son indépendance jusqu’à ce jour. Car, si la situation persiste, il y aura encore des exilés et le désespoir va s’installer et placer le Tchad dans une situation d’impasse politique. Et cette impasse ne va profiter ni au pouvoir, ni à l’opposition, ni à la société civile et moins encore au peuple tchadien.
Pour ce qui est de la transition en question, quelle est votre analyse et votre situation personnelle ?
Ma situation personnelle n’est vraiment pas satisfaisante même étant donné que j’assume le poste du conseiller aux droits de l’homme du Chef de l’Etat et l’accompagne dans sa vision pour que le Tchad soit un pays respectueux des droits de l’homme. Je me réjouis d’être là, d’être aux côtés du Président de Transition. Cependant, de mon analyse personnelle, la situation n’est pas à la hauteur des attentes de la population, des acteurs de la société civile tchadienne et de certains partenaires qui sont restés critiques. Tout de même, je salue la main tendue et le pardon qu’a accordé le Président le jour de la fête de Tabaski car c’est un acte important. Je salue aussi son engagement pour l’organisation l’année passée du forum national des droits de l’homme. Mais cela n’exclut pas les critiques à l’égard des autorités de transition puisque ce sont les acteurs d’hier, l’opposition d’hier qui est aujourd’hui avec le Président de Transition, donc il faut une sincérité pour l’accompagner à normaliser la situation du pays. Et il faut l’inclusivité car une partie de la population se sent exclue du processus car si on veut aller à une paix durable, il faut cela et ce qui va permettre d’espérer à l’essor économique du pays.
Parlant du pardon qu’a accordé le Président de transition, l’on constate que certains chefs de partis politiques et membres de la société civile sont toujours restés en exil. Que faites-vous en tant que conseiller aux droits de l’homme du Président pour que cela puisse être véritablement traduit dans les faits ?
Le parti Les Transformateurs, les leaders de Wakit-Tamma ont leurs rôles à jouer dans la sphère politique tchadienne. Le pardon a été annoncé à l’occasion de la fête de Tabaski et cela a suscité les réactions des différents leaders politiques et de la société civile mais nous pensons qu’il faut vraiment aller au-delà de ce pardon en mettant sur pied une délégation qui doit aller à Washington, en Europe, en Afrique de l’Ouest et un peu partout où se trouvent les exilés des événements du 20 octobre 2022 et dire aux partenaires que nous sommes sincères, nous voulons tendre la main à nos frères exilés en les rassurant à retourner au pays pour un dialogue sincère. Je demande au Chef de l’Etat qui est le garant de la paix et de la stabilité de mettre sur pied une délégation à l’effet pour la cause. Si cet acte n’est pas posé aussi rapidement, nous risquerons de nous éloigner du processus de paix.