Palais de justice de N’Djamena : une reprise lente après la grève des magistrats
Le palais de justice de N’Djaména avait été plongé dans un silence glaçant pendant plus de deux mois en raison de la grève des magistrats qui revendiquent les meilleures conditions de travail. Les couloirs déserts et les salles d’audience vides semblaient être le reflet de l’impasse entre les magistrats et l’administration judiciaire. Ce jeudi 7 septembre, une timide reprise se dessine malgré la suspension de la grève pour un mois.
En pénétrant dans le palais de justice au quartier N’Djari, dans le 8ème arrondissement, l’agitation et l’anticipation se font sentir. Les avocats, longtemps forcés à aller en vacances, s’affairent, empilant des dossiers et parcourant frénétiquement leurs notes en préparation des audiences à venir. Les justiciables attendent anxieusement leur tour, espérant enfin être situés sur leur sort. Les conversations chuchotées et les murmures remplissent l’air, créant une ambiance bruyante, mélange de soulagement et d’incertitude.
Les salles d’audience reprennent vie avec le son familier des marteaux du juge qui frappent pour rappeler à l’ordre. Les avocats présentent leurs arguments avec une ferveur renouvelée, tandis que les témoins défilent à la barre pour raconter leurs histoires. Le cliquetis des machines à écrire et le tapotement des claviers d’ordinateur résonnent dans les couloirs, symboles du travail acharné des greffiers et du personnel judiciaire pour documenter chaque détail de ces procédures longtemps retardées.
Pourtant, malgré cette reprise, des stigmates de la grève persistent. Les calendriers surchargés et les retards accumulés créent des tensions palpables entre les différents acteurs de la justice. Les avocats font preuve de créativité pour jongler entre les affaires en attente, tandis que les justiciables impatients tentent de canaliser leur frustration en attendant leur tour.
Les magistrats, souvent le cœur battant de cette institution, portent le poids de la responsabilité de rendre des jugements équitables. Leur retour au travail est accueilli à la fois avec soulagement et des regards scrutateurs. Les salles d’audience se transforment en arène de débats juridiques, où la loi est examinée sous tous les angles possibles. “Il m’a fallu plus de deux mois pour revendiquer mes droits chez mon employeur. Avec cette reprise, j’espère que le Procureur fera vite évoluer les choses”, indique un justiciable rencontré dans la cour du Palais de Justice .
La reprise ne se limite pas aux salles d’audience. Les discussions animées dans les cafétérias tout autour du palais reflètent les débats en cours sur les réformes nécessaires pour éviter de futures paralysies de l’appareil judiciaire. Les magistrats tiennent des rencontres en petit groupe pour discuter des problèmes sous-jacents qui ont conduit à la grève, dans l’espoir de trouver des solutions durables. “Ce n’est qu’une suspension d’un mois pour permettre au gouvernement de trouver une solution à nos revendications et non une levée définitive du mot d’ordre de grève. Mais aussi, nous sommes animés par le sentiment d’humanisme car nos frères et sœurs souffrent soit en prison, même aux quartiers, et il faudrait penser aussi à eux d’où cette reprise temporaire”, fait savoir Abdoulaye Bono Kono, vice-président du Syndicat des Magistrats du Tchad (SMT), l’un des syndicats des magistrats.
En quittant le palais de justice, une chose est claire : la reprise après la grève des magistrats est un processus lent et complexe. Les rouages de la Justice tournent à nouveau, mais ils portent toujours les cicatrices de l’interruption récente. Alors que les magistrats, les avocats et le personnel judiciaire s’efforcent de rétablir l’ordre, une question plane dans l’air : le dialogue sera-t-il suffisant pour éviter une autre crise à l’avenir, ou cette reprise sera-t-elle simplement une pause fragile dans un système judiciaire en constante évolution ?