Rencontre avec l’Histoire : Mahamat-Saleh Haroun dévoile l’héritage d’une héroïne tchadienne dans ‘Ma grand-mère était un homme’ – Les clés d’une œuvre puissante

Mahamat-Saleh Haroun célèbre sa grand-mère, une héroïne tchadienne, dans son livre "Ma grand-mère était un homme"

Le 3 avril 2025, un événement marquant a eu lieu à la Bibliothèque nationale, où l’auteur et réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun a présenté son nouveau livre, "Ma grand-mère était un homme". Ce récit poignant rend hommage à une figure emblématique de sa vie, sa grand-mère Kaltouma. Dans un contexte où la mémoire collective et les récits féminins prennent de plus en plus d’importance, cet ouvrage se distingue par son approche touchante et sa résonance socioculturelle au Tchad, un pays aux richesses méconnues.

Un hommage à une figure maternelle inspirante

Dans "Ma grand-mère était un homme", HarounCapture l’essence d’une vie marquée par la résilience et le courage. Le récit se concentre sur Kaltouma, une femme qui a su incarner des valeurs de dignité et de respect envers les autres, des leçons qu’elle a transmises à son petit-fils tout au long de sa vie. L’auteur déclare avec émotion : "J’ai voulu rendre hommage à ma grand-mère, qui était pour moi, une héroïne. Elle m’a affranchie." Cette déclaration n’est pas qu’une simple phrase ; elle révèle l’importance des ancêtres dans le processus de construction identitaire, surtout en Afrique.

Une histoire de résistance et de détermination

Kaltouma, protagoniste de ce récit, a été dépeinte par Haroun comme un symbole de force pour les jeunes femmes contemporaines. À travers son histoire individuelle, Haroun aborde des thématiques universelles telles que le féminisme et la résistance. La vie de Kaltouma illustre les combats menés par de nombreuses femmes de son époque, et son parcours devient un modèle de courage face à l’oppression.

Née dans un village soumis à la domination française, Kaltouma a vécu une expérience bouleversante lorsque son mari, après avoir été enrôlé dans les forces françaises pendant la Seconde Guerre mondiale, revient avec l’intention de prendre une seconde épouse en 1945. En réponse, elle choisit de fuir, marquant ainsi un acte de rébellion qui démontre une détermination farouche à préserver son intégrité personnelle. Cette évasion dans le désert, où elle laisse derrière elle son fils unique, est non seulement un acte de courage, mais aussi un cri de liberté.

Un récit qui résonne avec l’histoire tchadienne

À travers l’histoire de Kaltouma, Haroun tisse un récit qui transcende les lignes personnelles pour explorer des questions profondes de l’identité tchadienne et de son histoire, marquée par des siècles de conflits. L’auteur affirme : "C’est très important de montrer que dans notre pays, il existe des héros dans nos histoires." Ainsi, cette œuvre ne se limite pas à un hommage familial ; elle devient un miroir de la société tchadienne et souligne l’impact des récits locaux sur l’écriture de l’histoire nationale.

Haroun décrit son livre comme un véritable roman d’aventure, oscillant entre résistance et affirmation de soi, tout en explorant les thèmes du féminisme dans un contexte de lutte pour la dignité. Ce combat, au cœur de "Ma grand-mère était un homme", vise à faire ressortir des vérités souvent négligées dans les récits historiques dominants.

Une voix pour les sans-voix

"Ma grand-mère était un homme" se positionne également comme une œuvre qui donne la parole à ceux qui sont traditionnellement silenciés. L’héritage de Kaltouma offre ainsi une voix aux femmes qui ont été souvent laissées dans l’ombre de l’histoire tchadienne. Loin d’être un simple récit nostalgique, le livre devient une plateforme pour revendiquer la place des femmes et leur rôle essentiel dans les sociétés contemporaines. Haroun soulève une question cruciale : comment les récits de vie de femmes comme Kaltouma peuvent-ils contribuer à une meilleure compréhension de notre passé et de notre avenir?

Un auteur engagé et primé

Mahamat-Saleh Haroun, né en 1961 à Abéché, est reconnu non seulement comme écrivain, mais aussi comme réalisateur ayant occupé le poste de ministre de la Culture du Tchad entre 2017 et 2018. Ses œuvres cinématographiques ont obtenu une reconnaissance internationale, notamment à la Mostra de Venise, ainsi qu’au festival de Cannes où il a remporté le prix du jury pour "Un homme qui crie". Avec "Ma grand-mère était un homme", il continue d’apporter une contribution significative à la littérature tchadienne et africaine.

En plus de son dernier ouvrage, Haroun est l’auteur de plusieurs œuvres notables telles que "Djibril ou Les ombres portées" et "Les Culs-Reptiles", ce dernier ayant été récompensé par le prix Jean-Cormier en 2023. Son engagement pour la culture et la mémoire collective s’inscrit dans une volonté de promouvoir le patrimoine littéraire de son pays.

L’impact et les perspectives futures

La publication de "Ma grand-mère était un homme" s’inscrit dans une tendance croissante de mise en avant des récits personnels et de la critique sociale. Ce livre ne se contente pas d’être un hommage intime ; il ouvre également le débat sur la nécessité de réévaluer nos histoires et de reconnaître le rôle des femmes dans la construction des identités culturelles.

Dans les mois à venir, il sera intéressant de voir comment cet ouvrage résonne au sein de la communauté littéraire tchadienne et africaine. En mettant en lumière des récits comme celui de Kaltouma, Haroun invite à une réflexion plus large sur le féminisme, l’identité et les luttes sociopolitiques qui influencent encore le Tchad d’aujourd’hui.

Conclusion : Vers une redécouverte de l’héroïsme féminin

"Ma grand-mère était un homme" devient ainsi une œuvre fondatrice qui nous pousse à examiner nos perceptions sur le passé. En célébrant la vie de Kaltouma, Mahamat-Saleh Haroun dévoile les valeurs d’héroïsme et de résilience qui continuent de résonner dans la société tchadienne. À travers ce récit, il implore ses lecteurs de se souvenir, d’apprendre et de s’engager pour un avenir où les voix féminines sont reconnues et valorisées.

En conclusion, cet ouvrage constitue un point de départ essentiel pour un dialogue rénové autour des rôles des femmes en Afrique et de l’importance de préserver et célébrer les récits qui façonnent notre histoire collective. Le monde du livre tchadien attend désormais de voir comment cette histoire se déploiera dans le temps et comment elle influencera les générations à venir.