RSF appelle la HAMA à réguler l’espace médiatique et non le restreindre
Une mise à jour décisive dans le paysage médiatique tchadien
Le 20 décembre, un tournant important a eu lieu dans le domaine de la liberté de la presse au Tchad. Alors que la Haute Autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA) avait imposé, le 4 décembre dernier, une interdiction frappante sur la diffusion de contenus audiovisuels par les médias en ligne, la Cour suprême du Tchad a ordonné la suspension immédiate de cette décision controversée. Ce revirement soulève des questions cruciales sur la liberté d’expression et l’accès à l’information dans le pays.
Une grève pour la liberté d’informer
La situation a culminé avec une grève générale des médias en ligne qui, depuis dix jours, ont choisi d’arrêter leurs activités pour contester cette restriction. Environ quarante plateformes se sont jointes à ce mouvement, exprimant leur indignation face à l’interdiction de diffuser des contenus audiovisuels. Ces médias en ligne, qui constituent une source d’information vitale pour de nombreux Tchadiens, se trouvent maintenant dans l’incapacité de produire autre chose que des contenus écrits.
Une décision controversée de la HAMA
La HAMA justifie sa décision par la nécessité de réguler une pratique devenue trop répandue : le partage indiscriminé de vidéos créées par d’autres, sans autorisation préalable. Bien que cette préoccupation soit légitime, la mesure adoptée affecte gravement la capacité des médias en ligne à fonctionner efficacement. Par conséquent, ils se voient contraints de ne pas produire de contenus audiovisuels, même ceux qu’ils créent eux-mêmes.
Le président de la HAMA, Abderamane Barka, a cité les articles 5, 26, ainsi que d’autres régulations relatives à la création des journaux en ligne en vertu de la loi N°31 du 3 décembre 2018. Selon lui, ces articles n’autoriseraient pas la diffusion de contenus audiovisuels par les médias en ligne. Cependant, cette interprétation semble contredite par l’article 25, qui stipule que ces mêmes médias peuvent produire du contenu en "utilisant essentiellement le mode écrit et audiovisuel".
Le cadre juridique actuel
La contradiction entre les déclarations de la HAMA et la réalité juridique est mise en lumière par l’Association des médias en ligne du Tchad (AMET). Cette dernière a saisi la cour administrative pour contester la décision départementale. Le 18 décembre, la cour a déclaré son incompétence, renvoyant l’affaire à la Cour suprême, une démarche que l’AMET a rapidement entreprise.
Ce différend met en évidence un problème systémique dans la régulation des médias au Tchad : la HAMA, en tant qu’organe régulateur, devrait veiller à un équilibre qui préserve la liberté de la presse tout en garantissant le respect des droits d’auteur. Au lieu de cela, sa décision est perçue comme une tentative de restreindre l’espace médiatique de manière préventive, ce qui remet en question les fondements même de la liberté d’expression.
Appel au dialogue et à la régulation équilibrée
L’appel à la révision de la décision de la HAMA est plus urgent que jamais. Rapporteurs sans frontières (RSF) exhorte l’organe régulateur à adapter sa position afin de ne pas interdire aux médias en ligne la diffusion et la production de leur propre contenu audiovisuel. Il est crucial d’encourager un dialogue ouvert entre la HAMA, les médias en ligne et les acteurs concernés, afin de trouver une solution qui respecte les droits de tous tout en adressant les préoccupations légitimes soulevées par la diffusion non autorisée de contenus.
Échos des droits de l’homme et de la liberté d’information
Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, a souligné que cette situation interroge non seulement la liberté de la presse, mais également le droit fondateur à l’information. À l’approche des élections législatives et locales prévues le 29 décembre, ces restrictions deviennent particulièrement préoccupantes. À l’aube de la campagne électorale, la HAMA a également décidé de suspendre les émissions interactives sur l’ensemble des médias publics et privés, arguant qu’ils n’auraient pas suffisamment de ressources humaines pour garantir des émissions respectant les principes d’équilibre et d’équité.
Le rôle vital des médias en ligne
Les médias en ligne jouent un rôle essentiel dans la dynamique démocratique du Tchad. Ils permettent une pluralité de voix et d’opinions. La situation actuelle rappelle l’importance d’une presse libre et indépendante, surtout lors de périodes critiques telles que celle des élections. La capacité des médias à informer le public, à encourager des débats constructifs et à assurer une transparence est fondamentale pour la démocratie. Les restrictions imposées pèsent sur le droit des citoyens à s’informer, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur la participation électorale et l’engagement civique.
Vers un avenir plus ouvert
Alors que le Tchad navigue dans ces eaux tumultueuses, il devient impératif que toutes les parties prenantes s’unissent pour forger un environnement médiatique qui encourage l’innovation, la créativité et un pluralisme d’opinions. La liberté d’expression est un droit inaliénable qui doit être protégé et renforcé.
Conclusion : Un appel à l’engagement
Ce retournement de situation, avec la décision de la Cour suprême de suspendre l’interdiction de la HAMA, ne constitue qu’un premier pas vers une amélioration des droits médiatiques au Tchad. Cependant, cela doit être accompagné d’un engagement réel des parties prenantes à renouer le dialogue afin d’établir une régulation qui soutient et non qui entrave le travail des médias. Il est impératif que la voix des médias en ligne soit non seulement entendue, mais aussi valorisée dans le cadre d’une démocratie florissante.
L’avenir de la liberté d’expression au Tchad dépend en grande partie de la capacité des différents acteurs à surmonter les divergences et à travailler ensemble pour un environnement médiatique qui respecte les droits de tous. À cet égard, chaque voix compte, et chaque geste en faveur de la liberté de la presse est essentiel pour bâtir un Tchad où l’information est libre, diversifiée et accessible à tous.