Sahel : l’éducation en péril ?

Éducation en Situation d’Urgence : Le cri d’alarme de la jeunesse sahélienne

Introduction

En janvier 2024, le ministère de l’Éducation nationale du Burkina Faso a publié un rapport profondément préoccupant sur l’état de l’éducation dans le pays. En seulement trois mois, 5 319 écoles étaient fermées. Cette statisque brutale n’est pas qu’un simple nombre ; elle représente des milliers de rêves d’enfants et le potentiel d’un pays en proie à une crise sécuritaire sans précédent. À cela s’ajoutent les chiffres alarmants de 818 149 élèves, parmi lesquels 394 293 filles, et 24 281 enseignants qui se retrouvent dans une situation incertaine. La crise dans la région du Sahel, alimentée par des groupes armés djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État Islamique, a donné lieu à une augmentation de plus de 70 % des violations des droits des enfants. Ce constat est le reflet d’une tragédie qui touche non seulement l’éducation mais aussi l’avenir même de ces jeunes, dont l’accès à l’instruction est gravement menacé.

La Répercussion de la Crise : Éducation et Enfance en Péril

La Violence à l’École, Un Fléau Croissant

Les violences infligées par des groupes terroristes ont entraîné des conséquences gravissimes sur le bien-être psychologique des élèves. Nombre d’entre eux sont désormais traumatisés et refusent de retourner dans leurs écoles, ancrant un cercle vicieux de peur et d’abandon. Ce sentiment d’anxiété ne touche pas uniquement les enfants ; les enseignants, eux aussi, sont des cibles privilégiées. Enlèvements, tortures et exécutions sommaires sont devenus monnaie courante dans certaines régions.

Ainsi, les attaques ciblées contre les écoles et les enseignants se traduisent par des fermetures massives et des retraits d’enfants des établissements éducatifs, ce qui impacte directement la qualité de l’enseignement. En effet, la Banque Mondiale souligne l’ampleur de cette tragédie en rapportant qu’actuellement, 90% des enfants dans certaines zones sont incapables de lire, un chiffre alarmant qui témoigne de l’ampleur de la crise éducative.

Miriem Cisse, chercheuse au West Africa Think Tank (WATI), souligne que « cette crise a des conséquences sur l’éducation, non seulement par les fermetures d’écoles et les abandons scolaires, mais aussi par les insuffisances des ressources publiques allouées à l’éducation ». Derrière ces mots se cache une réalité alarmante : lorsque l’éducation est négligée, c’est toute une génération qui est sacrifiée.

Défense contre l’Éducation : Un Équilibre Précaire

La Réorientation Budgétaire

L’insécurité exacerbée a réorienté les priorités budgétaires des gouvernements. Les dépenses de la défense, qui devraient protéger les citoyens, explosent au détriment des investissements dans l’éducation. Ce choix stratégique laisse les écoles dans un état de délabrement et entraîne une pénurie d’enseignants. Un manque de ressources éducatives compromet encore davantage l’accès à une éducation de qualité pour les enfants à une époque où ils en ont le plus besoin.

La combinaison de l’insécurité, du chômage endémique et de la précarité des ménages contribue également à des pratiques néfastes. Le travail des enfants, les mariages forcés et l’enrôlement de jeunes dans des milices armées deviennent des recours face à des situations désespérées, remettant en question le rôle protecteur de l’éducation.

Les Déplacés : Une Pression Sur les Systèmes Éducatifs Voisins

Le rapport du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) est tout aussi alarmant, faisant état de plus de 2 millions de déplacés depuis 2016 à cause de la violence. Ces déplacements massifs mettent également une pression inédite sur les systèmes éducatifs des pays voisins, comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin. Ces nations, déjà confrontées à leurs propres défis éducatifs, doivent gérer l’afflux de réfugiés qui survivent à la violence, mais qui aspirent à une vie meilleure à travers l’éducation.

« L’éducation est en état de siège en Afrique de l’Ouest et centrale », affirme Hassane Hamadou, Directeur régional du Norwegian Refugee Council (NRC) pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale. Cette citation souligne le fait que le ciblage délibéré des écoles en temps de guerre n’est rien d’autre qu’une catastrophe humanitaire. Chaque jour d’absence scolaire représente une erreur fatale pour l’avenir des enfants et pour le développement de leurs communautés.

Solutions et Perspectives Alternatives

L’Éducation comme Priorité

Il est essentiel de replacer l’éducation au centre des priorités des politiques publiques. Les gouvernements doivent se rendre compte que l’éducation est le pilier du développement durable et de la paix. En investissant dans l’éducation, non seulement ils apportent une réponse immédiate à la crise actuelle, mais ils bâtissent également un avenir meilleur. Les investissements dans les infrastructures scolaires, les ressources pédagogiques et la formation des enseignants sont indispensables pour restaurer la confiance des parents et des enfants envers le système éducatif.

Renforcement des Partenariats et Mobilisation de Ressources

Des collaborations internationales devraient également être renforcées pour apporter une aide concrète aux pays touchés. La mobilisation des ONG et des organisations internationales peut aider à fournir un soutien logistique et financier à rendre l’éducation accessible dans des zones de crise. Les programmes d’apprentissage flexibles pourraient également être mis en place pour répondre aux besoins des enfants déplacés.

Conclusion

La situation actuelle dans le Sahel est alarmante et nécessite une attention immédiate. L’éducation, qui devrait être un droit fondamental, est en péril. La voix des jeunes doit être entendue et il est impératif d’agir pour remettre sur pied un système éducatif qui leur permettra non seulement d’apprendre mais aussi de s’épanouir. C’est également un appel à la solidarité internationale pour restaurer l’accès à l’éducation dans des contextes de guerre, de peur et de désespoir. En cette période sombre, la lumière de l’éducation pourrait bien être la clé pour changer le destin de toute une génération. En unissant les efforts, il est possible d’inverser la tendance et de bâtir une société où chaque enfant a la chance de rêver, d’apprendre et de contribuer à la paix et à la prospérité.