SENAFET, oui à l’égalité des chances et non à l’aspect festif

La Semaine Nationale de la Femme Tchadienne : Un Nouveau Départ pour les Droits des Femmes

Introduction

Depuis 35 ans, une tradition s’est instaurée au Tchad : la célébration de la Semaine Nationale de la Femme Tchadienne (SENAFET). Cette initiative, conçue pour honorer les contributions des femmes à la société, est devenue une plateforme emblématique où les rituels festifs prennent souvent le pas sur les revendications fondamentales pour les droits et l’égalité des sexes. Ce phénomène n’est pas unique au Tchad ; dans de nombreux pays, des événements similaires se diluent dans la célébration, perdant de vue les enjeux cruciaux qui touchent les femmes. Mais cette année, un point de rupture semble se dessiner. Alors que le thème retenu s’intitule « Femme, défis et opportunités de la 5ème République », cette Semaine promet d’être un tournant, où les festivités traditionnelles laissent place à des débats essentiels et à une prise de conscience collective.

Un Thème Évocateur : Défis & Opportunités

Le choix de ce thème n’est pas anodin. Il vise à inciter les femmes à réfléchir aux défis qui les attendent, particulièrement dans un contexte national en pleine évolution. La 5ème République symbolise à la fois des espoirs nouveaux et une réalité complexe où les femmes sont appelées à jouer un rôle déterminant dans le devenir du pays. À travers des tables rondes et des discussions, cette SENAFET encourage une approche plus sérieuse et engageante sur le rôle des femmes dans la société tchadienne.

L’absence de festivités : Un tournant audacieux

Cette année, la ministre de la Femme et de la Petite enfance, Amina Priscille Longoh, a pris la décision audacieuse de ne pas organiser de festivités. Une rupture radicale avec les années passées, où les tenues traditionnelles et les célébrations massives prédominaient. Au lieu de réjouissances, la priorité sera donnée aux débats, aux causeries éducatives et aux actions de sensibilisation. Certes, cette décision a provoqué des réactions mitigées au sein de la population féminine. Beaucoup se sentent dépossédées de l’élément festif qu’elles chérissaient, tandis que d’autres saluent cette initiative comme un appel à l’urgence de l’action et de la prise de conscience.

Réactions et Opinions Diverses

Une enquête menée par Alwihda Info le 1er mars a révélé un éventail d’opinions parmi les femmes de N’Djamena. Certaines expriment leur mécontentement concernant la suppression des éléments festifs, considérant cela comme une perte de tradition. D’autres, en revanche, voient dans cette décision un signal fort : le temps est venu pour les femmes tchadiennes de se positionner avec sérieux et responsabilité face aux défis sociaux, économiques et politiques qui les touchent.

Le 8 Mars : Une Journée de Réflexion

Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, revêt une importance toute particulière au Tchad. C’est un moment de célébration, de sensibilisation et de mise en lumière des contributions des femmes au développement du pays. Il rappelle à la société tchadienne les défis pressants que rencontrent les femmes au quotidien. Traditionnellement, cette journée s’inscrit dans le cadre de la SENAFET, qui propose diverses activités pour promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes.

Les Efforts du Gouvernement

Le gouvernement tchadien a engagé des efforts notables dans la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) et a mis en avant la nécessité de promouvoir l’égalité et la parité au sein des institutions. En 2022, les statistiques indiquent que 32 % des membres du gouvernement sont des femmes, tandis que 34 % des sièges à l’Assemblée nationale leur sont réservés. Ces chiffres traduisent une volonté politique visible, mutta il reste des défis majeurs à relever.

Les Défis Persistants

Malgré ces avancées, de nombreux défis persistent. La scolarisation des filles demeure insuffisante, les violences basées sur le genre continuent d’endeuiller des familles, et les préjugés sociaux représentent un obstacle à l’égalité. Des problèmes comme la protection sociale des femmes, les mariages précoces et les unions forcées continuent de freiner l’autonomisation des femmes et des filles.

Ces questions soulèvent la nécessité d’une action coordonnée et d’une volonté politique puissante pour transformer les discours en mesures concrètes. La Constitution tchadienne, en son article 14, souligne délicatement que « Les Tchadiens des deux sexes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi. » L’article 15 renforce cette idée en garantissant l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale.

Une Évaluation Critique

Il est essentiel de se poser des questions sur la réelle portée des avancées réalisées jusqu’à présent. La présence de femmes au sein des instances décisionnelles est un pas dans la bonne direction, mais qu’en est-il de leur influence réelle sur les décisions qui façonnent la vie des femmes et des filles dans le pays ? Les perspectives d’évolution de la position des femmes dans la société tchadienne nécessitent non seulement des chiffres, mais également des actions concrètes et une volonté réelle d’éliminer les obstacles qui persistent.

Par exemple, des programmes d’éducation ciblés pour les filles, des lois plus strictes contre les VBG, et des initiatives locales pour sensibiliser les communautés sont autant de mesures qui pourraient rendre les paroles écrites dans la Constitution tangibles et applicables.

Conclusion : Un Appel à l’Action

La Semaine Nationale de la Femme Tchadienne offre une occasion précieuse de réévaluer la lutte pour les droits des femmes. Ce tournant, marqué par un éloignement des festivités traditionnelles et une orientation vers des discussions enrichissantes, souligne l’importance de la responsabilité collective. Il est impératif que cette dynamique se poursuive au-delà de la SENAFET.

Les femmes tchadiennes ont déjà montré leur résilience et leur capacité à mener des changements significatifs. En continuant de revendiquer leurs droits et en s’appuyant sur les textes juridiques qui les protègent, elles peuvent exiger une égalité réelle et durable dans tous les aspects de la vie. Les défis sont nombreux, mais ensemble, en unissant les voix pour faire entendre les réalités, elles ont le potentiel de transformer le paysage social, économique et politique du Tchad. Le chemin reste long, mais avec détermination et solidarité, le changement est possible. C’est maintenant, plus que jamais, que chaque voix compte et que chaque action peut faire la différence.