Tchad : quand la bestialité prend le dessus sur l’humanité
Les massacres et conflits sanglants se succèdent à tel point dans des localités du Tchad qu’on en arrive à se demander s’il existe encore une once d’humanité en nous.
Goré pleure ses morts. L’opinion est choquée. Des images insoutenables nous parviennent du département de la Nya-Pendé dans le Logone Oriental.
En effet, un riche commerçant de la zone et son compagnon ont été retrouvés morts à la frontière de la République centrafricaine. En guise de représailles, les membres de sa communauté se mobilisent et attaquent des villages. Ils tuent, incendient les maisons et emportent les bétails. Le bilan est lourd : entre une quinzaine et une trentaine de morts, selon diverses sources.
Un mode opératoire qui devient fréquent. C’était aussi le cas, il y a quelques semaines, à Bessao (département des Monts de Lam) dans la même province occasionnant une douzaine de morts. De même qu’à Sandana, Kyabé, Leo, Mangalmé…La liste est longue.
Certes, les conflits sont inhérents à la société humaine. Mais l’ampleur que prennent les conflits au Tchad, la haine viscérale qui anime les protagonistes amènent à s’interroger sur ce degré de bestialité, de sauvagerie. Avons-nous encore la notion d’humanité ?
Pour un champ dévasté, pour un homme tué, pour un animal volé ou retrouvé mort, ce sont des hordes de vandales qui se déchainent pour massacrer leurs semblables, si tenté qu’ils les considèrent comme tel.
Les frictions entre les communautés ont toujours existé. Mais la sagesse prévalait toujours et les gens arrivaient à régler leurs différends à l’amiable. Ce qui renforçait d’ailleurs la cohésion.
Aujourd’hui, les gens sont si prompts à ôter la vie des autres comme des minables chiens. La haine emplit les cœurs au lieu de l’amour. Pourtant, les Tchadiens sont majoritairement des croyants. Les religions n’enseignent-elles pas l’amour et le pardon ? Comment expliquer que les mosquées soient remplies les vendredis et les églises les dimanches et que les Tchadiens éprouvent un tel plaisir à tuer ?
Un gouvernement insensible et irresponsable
Les Tchadiens semblent vivre désormais à l’état de nature où le plus fort peut dévorer le plus faible. Pourtant, ils vivent ensemble en se soumettant à un gouvernement, qui ne brille que par son mépris et son irresponsabilité.
Dans des pays qui se respectent, pour un petit incident, le gouvernement se mobilise. Le chef de l’Etat peut faire une déclaration ou une descente sur le terrain pour montrer que la vie de chaque citoyen compte. Mais cela ne se voit pas au Tchad où des dizaines de gens peuvent être tués sans la moindre réaction du gouvernement. Pour le dernier cas de Goré, il a fallu attendre trois jours avant que le ministre de l’Administration du territoire ne fasse une sortie. Aucun message du Premier ministre ou du chef de l’Etat pourtant très présents sur les réseaux sociaux et très alertes lorsqu’il s’agit de réagir à des sinistres qui se passent dans d’autres pays.
Pire, alors que ses compatriotes se tuent par dizaines au sud du pays, le Président de transition entame une tournée aux allures de pré-campagne à l’Est.
En plus de n’exprimer aucune compassion avec les victimes, le gouvernement est aussi incapable de prendre des dispositions pour garantir leur sécurité. Les massacres de Goré se sont déroulés sur 48 à 72 heures, sans que les forces de sécurité ne puissent intervenir. Jusqu’aujourd’hui, les auteurs ne sont pas encore retrouvés. Comment cela peut-il être possible dans un pays réputé pour l’efficacité de son armée et de ses services de renseignement ? Pour un expatrié franco-australien enlevé, les forces ont été mobilisées et il a été retrouvé en à peine 48 heures. Entretemps, un groupe de gens qui va de village en village pour tuer n’est pas retrouvé depuis quatre jours. Cela laisse perplexe.
Impunité garantie
L’irresponsabilité du gouvernement ajoutée à l’impunité encouragent les tueries de masse. En effet, ceux qui massacrent sont rarement inquiétés. Même s’il arrive qu’ils soient arrêtés, les pressions diverses sur la justice font qu’ils ne répondent pas de leurs actes ou qu’ils ne purgent pas leur peine.
Face à cette impuissance de l’Etat à garantir la sécurité et de la Justice à dire le droit, l’actuel Premier ministre, quand il était encore dans l’opposition, a exhorté les populations de son fief à s’organiser pour se défendre. Aujourd’hui, les tueries se succèdent mais il est motus et bouche cousue.