une lecture africaine des déclarations de Bachar el-Assad
Introduction : À la croisée des chemins
Sur le continent africain, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer des dynamiques qui semblent se reproduire, à l’image de ce qui se passe au Moyen-Orient. Dans un monde où les récits historiques s’entrelacent et se répercutent, il n’est pas surprenant que des dirigeants et des analystes africains évoquent ces enjeux. En effet, une citation célèbre de l’écrivain chinéen Lu Xun résume parfaitement cette notion : « Ne pas parler de son temps, c’est se condamner à le revivre ». Alors, qu’en est-il de l’Afrique ? Quelles leçons peuvent être tirées des conflits qui frappent ce continent, souvent à la croisée des intérêts internationaux ? Explorons ensemble d’importants parallèles et les implications qui en découlent.
Héritage complexe des frontières coloniales
Une curiosité historique qui pèse lourd
Il est bien connu que les frontières modernes de nombreux pays africains ont été redessinées par des puissances coloniales durant la Conférence de Berlin entre 1884 et 1885. Ce qui pourrait sembler un acte d’érudition géopolitique s’est transformé en une source de tensions internes incessantes. Ce découpage a été fait sans tenir compte des réalités ethniques, culturelles ou géographiques des populations. L’histoire nous enseigne que les conséquences de telles décisions peuvent être désastreuses : la formation de pays construits autour de lignes tracées sur une carte plutôt que de considérations humaines profondes a souvent conduit à des conflits, des rébellions et des crises de gouvernance.
Les échos contemporains
Les accusations de "redécoupage des frontières" ou de "morcellement" de la part de dirigeants comme Bachar el-Assad trouvent écho dans un contexte africain marqué par des inquiétudes face à des ingérences extérieures. Cette crainte d’interventions opportunistes s’exacerbe lorsque des puissances étrangères exploitent les divisions internes pour réaliser leurs propres intérêts munificents. Aujourd’hui, les pays africains doivent naviguer dans un environnement complexe où des forces extérieures cherchent à manipuler les rivalités ethniques et les conflits de territoire pour instaurer une domination économique.
Conflits alimentés par des puissances extérieures
Un paradoxe européen
Le scénario évoqué ici n’est pas nouveau, surtout pour les pays africains qui se battent sur plusieurs fronts. Dans plusieurs parties du continent, des crises sont devenues des outils d’influence pour des puissances extérieures, avides d’accéder aux ressources riches en minéraux et en énergie, ou désireuses d’étendre leur influence géopolitique. Prenons l’exemple de la Libye : après l’intervention militaire de l’OTAN en 2011, le pays a plongé dans une anarchie où divers groupes armés luttent pour le pouvoir, laissant la nation fragmentée. Les conséquences d’une telle ingérence se répercutent jusqu’à aujourd’hui, rendant visible la manipulation sous-jacente des intérêts occidentaux.
Une leçon de prévoyance
Ce schéma de dépendance et d’exploitation se retrouve dans des crises africaines emblématiques, comme celle en République Centrafricaine ou en République Démocratique du Congo, où les interventions ont souvent exacerbé les conflits internes. L’assistance à la stabilité est parfois perçue comme une façade à des intentions plus obscures, attirant la suspicion des gouvernements africains et des populations dont les voix se font souvent étouffées dans ces débats.
Ressources naturelles : enjeu stratégique et conflits
La malédiction des ressources
L’Afrique est un continent riche en ressources naturelles, depuis les diamants de Sierra Leone jusqu’aux minerais essentiels présents en République Démocratique du Congo. Pourtant, cette richesse a souvent conduit à des luttes de pouvoir interne, chaque acteur cherchant à s’accaparer les ressources au détriment d’une cohabitation pacifique. L’idée de "redécoupage" évoquée par Assad pourrait ici symboliser les manœuvres d’influence des puissances étrangères cherchant à contrôler ces ressources stratégiques.
Approfondir la discussion
Des histoires comme celle de l’exploitation des terres rares en Afrique de l’Ouest nous rappellent que les ambitions géopolitiques et économiques peuvent rapidement transformer un pays en champ de bataille. Des groupes armés locaux y disputent le contrôle, souvent monnaie d’échange dans des jeux de pouvoir où des intérêts extérieurs ne sont jamais loin. Prenons l’exemple des minerais de coltan, cruciaux pour la technologie moderne : leur extraction entraîne des conflits où les enjeux sociaux et environnementaux sont immanquablement sacrifiés.
Terrorisme : une menace façonnée par des agenda externes
Un fléau pour la stabilité
Le terme "escalade terroriste" évoqué par Assad trouve aussi une portée dans le contexte africain, où des militants comme Boko Haram, l’État islamique ou Al-Qaïda au Maghreb Islamique — AQMI —transforment des bénéfices idéologiques en formes de déstabilisation concrètes. Ces groupes, souvent alimentés par des agendas externes, deviennent des instruments de chaos, exploitant les faiblesses des États fragiles pour asseoir leur pouvoir.
Intervention militaire : une double tranchant
Les interventions étrangères dans des zones sensibles, tels que le Sahel par la France, sont souvent critiquées. Leurs intentions peuvent être perçues comme motivées par des intérêts économiques, à l’image des ressources énergétiques ou de la lutte contre l’immigration, plus que par une réelle volonté d’éradiquer le terrorisme. Les populations locales, épuisées par des conflits ininterrompus, se retrouvent souvent piégées entre les feux croisés et la réalité tragique de la violence.
Fragilisation des États : une question essentielle
Les conséquences de l’instabilité
La fragmentation des États africains est un sujet brulant. Les mouvements sécessionnistes en cours en Cameroun, en Éthiopie et au Soudan témoignent de la dégradation de l’intégrité nationale dans des contextes déjà empreints d’institutions fragiles et de rivalités internes anciennes. À tous les niveaux, les discours autour de ces luttes partagent une même peur : celle que les tensions internes, exploitées par des acteurs externes, ne servent qu’à exacerber les faiblesses nationales.
Se rendre compte des défis internes
Des dirigeants africains, tels que ceux du Tigré ou d’Ambazonie, pourraient trouver paradoxalement un écho au discours d’Assad, qui craint que des conflits internes ne servent d’instrument aux puissances étrangères pour déstabiliser encore davantage leurs pays. La menace de "l’ingérence" devient omniprésente, résonnant comme un spectre menaçant planant au-dessus d’expériences de gouvernance déjà éprouvées.
Narratif anti-occidental : vers une nouvelle conscience collective
Un mouvement mondial en marche
Une autre facette de ces dynamiques mondiales se manifeste dans le narratif anti-occidental qui prend racine dans diverses régions du monde, dont l’Afrique. Comme un écho historique aux défis de la colonisation, ce ressentiment alimente une résistance croissante envers les interventions extérieures. Le discours d’Assad n’est pas un phénomène isolé mais fait partie d’une tendance plus large où des puissances comme la Chine et la Russie construisent des alliances à partir de cette désillusion, promettant un soutien sans ingérence.
L’espoir d’une voix unie
Ce sentiment d’aliénation face à un passé colonial et les promesses non tenues des pays occidentaux trouve un écho auprès des populations. Les mouvements sociaux portés par la jeunesse fervente du continent pourraient ouvrir une nouvelle ère de collaboration autonome, où les peuples africains choisissent de redéfinir leur place sur la scène mondiale sans être prisonniers des intérêts étrangers.
Conclusion : Construire des ponts, non des murs
En conclusion, bien que la déclaration de Bachar el-Assad vise principalement le Moyen-Orient, elle résonne puissamment dans le contexte africain. Les thèmes des frontières coloniales, des ingérences extérieures, des luttes pour les ressources naturelles et des crises internes sont des préoccupations qui traversent le continent. Les parallèles qui se dégagent ne doivent pas servir uniquement à incriminer, mais devraient plutôt inviter à la réflexion et à l’action.
Il est essentiel que l’Afrique prenne conscience de son pouvoir collectif pour éviter de devenir un simple pion dans les conflits géopolitiques. En examinant ces enjeux avec lucidité, en construisant des ponts entre les nations et en cultivant une voix unie face aux défis, l’Afrique peut, à terme, réaliser un avenir plus juste et autonome.